jeudi 30 janvier 2014

Des fleurs et des saules (1)

Mes deux derniers voyages m'ont permis de m'intéresser de plus en plus près à un aspect du Japon que tout le monde connaît, mais qui garde pourtant jalousement bon nombre de secrets. Un petit monde encore ancré dans des traditions passées qu'on s'échine à garder en vie, tant bien que mal, malgré les évolutions inévitables de la société. Un monde où se font entendre le son des shamisen et le froissement des kimono de soie sur le tatami. Un monde où seuls le rouge et le blanc sont censés souligner la beauté des visages. Le monde "des fleurs et des saules", celui des geisha.
Je n'aurais pas cru moi-même développer un tel intérêt pour ces jeunes femmes et leur mode de vie si particulier. Lors de mon premier voyage, je les connaissais juste de nom, je savais qu'elles faisaient partie intégrante de la culture japonaise et espérais vaguement (et naïvement) en apercevoir une au détour d'une rue à Kyoto, mais sans plus. Je suppose que comme au fil des années, j'en suis venue à apprécier de plus en plus la culture du pays dans ce qu'elle a de plus traditionnel, et que je voue une vénération totale aux kimono, le fait que je me sois mise à admirer les maiko, apprenties geisha, n'est pas si étonnant que ça au final...

Je ne sais plus depuis quand, mais j'adore me promener à Gion, le quartier le plus traditionnel de Kyoto. Il s'en dégage en fait une atmosphère qui m'est irrésistible, au point où je ne peux passer un séjour au Japon sans aller m'y promener quatre ou cinq fois en tout. Je ne me lasse jamais de longer l'avenue Shijo, qui part du quartier le plus moderne de Kyoto, Kawaramachi, pour rejoindre le sanctuaire Yasaka en passant au dessus de la rivière Kamogawa, célébrée dans bon nombre de chansons et poèmes kyotoïtes. Cette promenade est tout simplement exquise. La plupart des boutiques qui bordent l'avenue Shijô vendent des produits d'artisanat traditionnel, avec de temps à autre des enseignes plus modernes. 
J'ai découvert au fur et à mesure de mes promenades que les ruelles de part et d'autre de ce parcours abritent quatre quartiers de geisha, dont chacun porte un nom spécifique : Pontochô, Gion-Higashi, Gion-Kôbu et Miyagawachô. Il en existe un cinquième, Kamishichiken, situé près du sanctuaire Kitano Tenmangu, plus au centre de Kyoto. Ce sont quasiment les seuls vestiges des importants quartiers de plaisirs tolérés sous les shoguns Tokugawa. 

Et là, on en vient inévitablement à aborder le sujet qui fâche, le stéréotype tenace dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce que je m'intéresse de près aux geisha et aux divers écrits qui ont été rédigés à leur sujet : ont-elles réellement un lien avec la prostitution ?
Après avoir écumé les sites internet et forums spécialisés pour en savoir plus moi-même, la réponse à cette question est plus complexe qu'elle n'en a l'air. Pour résumer, c'est à la fois oui et non. 
Oui, pour deux raisons. D'abord parce qu'historiquement les geisha ont exercé leur métier dans les mêmes quartiers que les courtisanes de haut rang qu'on appelait oiran. Celles-ci excellaient dans les arts (musique, danse, conversation) mais offraient également des distractions plus intimes à leurs clients après leurs banquets. Elles étaient l'objet d'un certain respect et étaient parées de tenues chatoyantes et de coiffures élaborées, celles-là même que l'on retrouve immortalisées dans de nombreuses estampes ukiyo-e.

Ukiyoe de Kitagawa Shikimaro (source : Wikipedia)

Ainsi, les "quartiers de plaisirs" abritaient aussi bien geisha que oiran, et longtemps la distinction entre les deux professions est restée subtile même pour les Japonais, bien que les gouvernements successifs et les oiran elles-même aient veillé à ce que les geisha ne franchissent jamais la barrière des deux activités au moyen de lois très strictes, laissant aux oiran le monopole des plaisirs charnels. La différence entre ces deux professions s'est probablement très vite faite du point de vue vestimentaire ; le style des geisha se devait d'être moins élaboré que celui des oiran. Le point le plus important se situe au niveau du obi, la large ceinture que l'on attache sur le kimono : les oiran le nouaient sur le devant du vêtement, tandis que les geisha nouaient le obi derrière, ce qui est d'ailleurs devenu la norme au fil du temps. Si l'on regarde bien la plupart des estampes japonaises les plus célèbres, les femmes qui y sont représentées, à tort appelées "geisha", sont en réalité des oiran.

Une oiran et sa suivante (source : Wikipedia)

Reconstitution d'une parade d'oiran
Oui aussi parce que lors d'une cérémonie de rite de passage à l'âge adulte, le mizuage, il était de coutume qu'un homme soit choisi en tant que protecteur de la maiko (apprentie), et que pour opérer ce choix la virginité de celle-ci fût mise aux enchères. Il semble qu'on sous-entend ainsi la possibilité que le protecteur, le danna, ait droit à des faveurs d'ordre sexuel de manière plus ou moins régulière par la suite, moyennant le financement de la toilette de la jeune geisha, dont la valeur atteignait des sommes faramineuses. Il est également dit que ce type de faveur n'allait pas forcément de soit, qu'il y avait également un jeu de façade et qu'en réalité le danna ne touchait presque jamais la jeune fille. Difficile de connaître exactement la vérité à ce sujet sur lequel on ne peut finalement que supposer, et sur lequel les geisha modernes s'expriment très peu.
On peut penser que c'est particulièrement cette dernière coutume qui laisse penser à de la prostitution dans le monde des geisha. 


Mais non, plus aujourd'hui. S'il a effectivement fallu du temps, et des lois tardives pour exclure définitivement ce genre de pratique dans ce monde en vase clos, aujourd'hui on peut considérer que les maiko et geisha n'ont plus aucun lien avec la prostitution en tant que "vente de son corps". Il est des gens qui considèrent que leur métier reste ambigu ou qu'il se passe forcément quelque chose derrière les panneaux de bois des ochaya. Personnellement, je pense sincèrement que si le concept du métier de geisha est en soit difficile à cerner (j'en reparlerai), les maiko et geisha modernes ont tellement de choses à faire en une journée, au vu et au su de tous, et que la force de la réputation est telle au Japon et en particulier dans ces quartiers, qu'il serait bien difficile pour elles de trouver du temps pour des activités plus intimes avec leurs clients même si elles le voulaient ! Il est difficile même de savoir si le concept de "danna" existe encore aujourd'hui. Ce n'est pas vraiment une question facile à poser aux principales intéressées, on s'en doute...
Cependant, leurs fans les plus hardcore (oui, ils existent !) pourraient pour ainsi dire les suivre à la trace à la sortie de chaque établissement où elles se rendent de la fin d'après-midi jusqu'à des heures tardives. Pas de rendez-vous secrets, pas de temps à perdre, l'emploi du temps est suffisamment surchargé pour ça. En tout cas, ce que les geisha font de leur coeur et de leur corps relèvent désormais de l'ordre du privé, sans aucun rapport avec le métier qu'elles exercent (mais on ne peut pas non plus les empêcher de tomber amoureuse d'un de leurs clients, par exemple !)

Mais tout cela fera l'objet d'un deuxième article, histoire de ne pas écrire un pavé !

Nouvelles.

Eh bien, le moins qu'on puisse dire c'est que ça fait longtemps que j'ai mis ce blog à jour. Presque un an, je crois. Je profite donc d'une envie subite d'écrire pour rédiger ce billet avant de changer d'avis !

Depuis mon dernier billet où j'évoquais le Nouvel An que j'ai passé l'année dernière au Japon, j'ai achevé non sans peine mon mémoire, mon rapport de stage, et mes études par la même occasion. Voilà une bonne chose de faite !
Je suis également retournée au Japon en août dernier, pendant environ un mois. La chaleur n'a pas été ma meilleure amie mais je me suis surprise à bien mieux la supporter que ce que j'imaginais. Il faut dire que le mois d'août est riche en événements au Japon, et l'ambiance estivale japonaise m'a réellement plu. Pour tout dire, bien que cela ait été mon 6ème voyage dans l'archipel, j'ai été fascinée et émerveillée par une multitude de choses que je n'avais pas expérimentées auparavant. Je pense écrire un billet à ce sujet, d'ailleurs.

En attendant, je suis en train d'en rédiger un sur un sujet qui me passionne depuis quelques temps...

dimanche 10 février 2013

Trois semaines de Japon : Nouvel An.

L'année 2013 est déjà entamée, et j'ai un peu délaissé ce blog depuis que je suis partie au Japon (et que j'en suis revenue depuis un moment d'ailleurs...).

Je suis donc partie pour le Kansai le 28 décembre au soir, avec une escale à Pékin pour laquelle mon avion a traversé l'énorme nuage de pollution qui fait tant parler de lui en ce moment au dessus du Nord-Est de la Chine. L'escale a été de courte durée et après quelques dernières heures de vol, j'étais à Osaka.
Arriver au Japon me fait toujours un drôle d'effet : j'arrive en terrain connu, les affichages en japonais et les annonces de l'aéroport ne me surprennent pas et les conversations des gens autour de moi non plus. En fait, plus le temps passe et plus j'ai l'impression que j'arrive dans mon deuxième chez-moi, et mes sentiments sont donc très différents d'avant. Ce n'est plus l'excitation de la toute première fois où j'ai posé le pied à Tokyo en 2007, les yeux écarquillés et fascinés par un monde tout nouveau même si je le connaissais un peu à travers mes livres et mes conversations avec des Japonais.
Aujourd'hui, je n'ai qu'une phrase en tête : "Enfin, me voilà !". C'est vraiment comme si je rentrais à la maison. L'étape de l'immigration m'agace toujours un peu avec la prise d'empreintes digitales et la photo obligatoires (non non, on ne vous prend pas tous pour des terroristes potentiels, pas du tout...) mais une fois mes bagages récupérés, je suis prête à sourire aux douaniers et à répondre à leurs questions curieuses en japonais comme si j'avais fait ça toute ma vie. Quand les portes du terminal d'arrivée s'ouvrent, c'est une explosion de joie intérieure. Je suis au Japon, bon sang. Mon visage est neutre mais mon coeur danse la samba. 

Ce 29 décembre, donc, je retrouve mon chéri, après 8 mois de séparation. Apothéose du bonheur. Nous dînons à l'aéroport avec l'un de ses cousins, que je ne connaissais pas. Mon premier repas japonais pour cette fois-ci sera un bol de ramen.
Je suis arrivée trop tard le soir pour faire quoi que ce soit. Je découvre l'appartement de mon chéri à Kyoto, qu'il quittera peu de temps après mon retour en France, mais qui était très sympa et spacieux pour une personne seule. Il a juste l'inconvénient, comme les 3/4 des maisons dans ce pays, d'être mal isolé. Donc froid. Et Kyoto étant dans une cuvette, il y fait très froid. Pendant tout mon séjour, j'ai passé mon temps à lutter pour ne pas penser au froid. Ca a été très dur. J'ai renouvelé un pan entier de ma garde-robe avec des vêtements Heat-tech de chez Uniqlo. Malgré ça le froid permanent restera un souvenir non-négligeable de ce séjour. Il ne fait pas vraiment énormément plus froid dehors qu'ici en France. Mais il fait presque aussi froid dedans que dehors, et ça c'est beaucoup plus difficile à supporter. Je me rends compte depuis mon retour que je n'ai pas à porter autant de vêtements ici qu'au Japon car je n'ai pas du tout la même sensation. Il fait chaud dans ma maison, et ça suffit à me réchauffer suffisamment pour affronter le froid de la ville quand c'est nécessaire. Reste donc à savoir si je m'habituerai un jour au Japon à ce niveau-là...

Les festivités du Nouvel An ont été très calmes pour moi ; mon copain ayant perdu son grand-père quelques jours auparavant, le rite shintô lui interdit de fêter les premiers jours de l'année comme tout le monde. Puisqu'il ne pouvait pas entrer dans un sanctuaire sans le "souiller", nous ne sommes allés nulle part le soir du 31 décembre (j'ai loupé pas mal de festivités comme ça, mais bon). Nous avons mangé tranquillement les nouilles de sarrasin traditionnelles, "tokoshi soba". J'ai suivi le décompte à la télé avec une émission de musique classique qui a lieu chaque 31 décembre. Et voilà.
Le lendemain matin, je voulais quand même marquer le coup, et j'ai réussi à convaincre une amie de m'accompagner faire le "hatsumôde", la première prière de l'année au sanctuaire. Nous sommes allées au Yasaka-jinja, l'un des sanctuaires les plus connus de Kyoto. Il y avait bien du monde, mais aucune attente pour s'approcher du sanctuaire, peut-être car l'endroit est assez spacieux. En tout cas, j'ai pu vivre ce moment un peu spécial sans aucun désagrément (à part que ma première prédiction de l'année était mauvaise...)

Après quoi nous sommes partis avec mon copain chez sa famille, près de Kôbe. Nous avons passé les trois premiers jours de l'année chez eux. Le décès du grand-père ayant eu lieu un peu tard dans l'année, les parents de mon copain avaient déjà commandé le repas traditionnel du Nouvel An, composé d'osechi (boîtes laquées contenant divers plats qu'on mange spécifiquement pendant ces jours de congé) et de sushi. Impossible d'annuler la commande, les boîtes-repas attendaient donc sagement dans un coin de la cuisine à mon arrivée. Il s'agissait donc de les manger sans se dire bonne année, et sans ajouter de mochi en soupe ("ozôni", autre plat traditionnel), seulement comme un plat normal. Vu la quantité, nous n'avons pu finir tout ça que le lendemain.
Dans l'entrée de la maison, les figurines symbolisant les animaux du zodiaque chinois avaient déjà changé de place : le dragon qui trônait auparavant au centre sur un petit tapis rouge avait déjà été remplacé par le serpent, signe de l'année 2013.
Par la suite nous avons passé le temps tranquillement dans la campagne, sans plus faire quoi que ce soit de particulier. J'ai rencontré de nouveau l'un des oncles de mon copain, mais cette fois-ci avec femme et enfants ! Je connais maintenant toute sa famille paternelle...
Le 4 janvier, il a hélas fallu quitter ce cocon familial pour retourner à Kyoto. J'aime beaucoup la maison de mon chéri et c'est un vrai crève-coeur d'en partir. Sa maman en particulier est adorable avec moi. Je me sens vraiment très à l'aise dans cette ambiance chaleureuse.
Ah, ça me fait me rappeler d'ailleurs qu'il y a quand même eu un petit "incident" : un après-midi, je voulais prendre un micro-bain de soleil devant la baie vitrée du salon. Mais comme les rideaux ne laissent pas du tout passer la chaleur, j'ai soulevé le rideau et je me suis mise entre lui et la fenêtre, profitant de quelques secondes de rayons chauds. Quelques secondes seulement, car tout à coup j'ai entendu la grand-mère de mon copain qui venait vers moi en me parlant, et qui a commencé à remettre le rideau devant moi. Je ne la comprenais pas très bien mais elle a dit quelque chose comme "on va te voir". Et je me suis souvenue : mon copain m'avait dit que les voisins d'à côté m'avaient bien repérée à plusieurs reprises chez sa famille, et ils ont demandé à la grand-mère si j'étais sa femme (= mariée). Il a fallu répondre que j'étais une amie, car dans ce village le concept de "petite amie" n'existe pas spécialement. Mais apparemment, ça n'a pas l'air de satisfaire la curiosité des voisins, et il semble qu'ils en reparlent parfois à la mamie quand elle est au potager. Du coup, ce jour-là, quand j'étais à ma fenêtre, elle n'a pas voulu que je m'expose au dehors car les voisins auraient pu me voir et ça la gênait. Elle ne voulait probablement pas qu'on vienne encore lui parler de moi. Elle m'a donc littéralement "cachée" derrière ce rideau.
Il faut bien avouer que j'ai été surprise. Je me suis subitement demandé si, dans ce cas, ma présence exposait aussi les parents de mon copain à des ragots désagréables pour eux, mais qu'on ne m'en avait pas parlé. Je me suis demandé si le fait que je sois étrangère compliquait les choses pour eux. J'avais déjà songé à ce risque auparavant, car ça ne me paraissait pas très étonnant dans la société japonaise telle qu'elle est aujourd'hui. Quand je me suis retournée, tout le monde vaquait à ses occupations un peu plus loin et ce petit épisode était probablement passé inaperçu. 
J'ai raconté ce qu'il s'était passé à mon copain pour tâcher de savoir si je posais des problèmes à sa famille et qu'on osait pas me le dire. Il a été surpris, et m'a assuré qu'il n'y avait aucun souci à ce que je sois là et que je sois vue des voisins. Sa grand-mère avait réagi en son nom à elle. Bien plus tard dans la soirée, il est revenu me voir l'air inquiet. Il venait d'en discuter avec ses parents alors que je me reposais à l'étage, et sa maman était devenue furieuse de ce qu'avait fait la mamie. Mon copain m'a expliqué qu'avant le mariage de ses parents, la mamie refusait que les futurs mariés se promènent ensemble. Il ne fallait pas qu'ils soient vus ensemble au même endroit. Pour la maman, elle me faisait donc "subir" la même chose qu'à elle, et elle était sacrément en colère. Mon copain a ajouté qu'ils s'inquiétaient tous du coup que je veuille ne plus revenir dans cette maison à cause de ça.
Je dois avouer que j'ai été un peu gênée d'avoir été la cause de ce petit remue-ménage, et de leur avoir donné du souci à ce point-là. J'ai bien sûr assuré mon copain que tout ça ne m'empêcherait jamais de revenir chez eux ni de me promener dans la campagne si j'en avais envie. La seule chose que je voulais savoir, c'était si ses parents eux-même y voyaient un inconvénient. Il semble que ce ne soit pas le cas. Après cet épisode de choc culturel, la maman a bien insisté dans nos discussions sur le fait que "je pouvais revenir quand je veux, tout le monde m'attendait ici". J'y ai vu une réponse à mes inquiétudes.
Pour moi, "l'incident" est donc clos. Mais ce qui est étonnant, c'est que je suis la seule qui arrive à y penser posément depuis : mon copain et ses parents n'en reviennent toujours pas et espèrent toujours que je n'en ai pas été traumatisée...

vendredi 28 décembre 2012

Jour J !

Bon.
Ma valise est (presque) bouclée, mes billets de train et d'avion sont prêts. 
Je pars ce soir pour Osaka, où le chéri m'attend.

L'incertitude la plus totale entoure actuellement ma recherche de mémoire car je me heurte pour ainsi dire à la rigidité du système scolaire privé japonais. Prions pour que la situation se débloque et que je n'y aille pas encore une fois pour des prunes.

Sur ce,

行ってきます。

samedi 8 décembre 2012

J-20

J'ai délaissé le blog quelques temps, mais il va bientôt reprendre du service car mon départ au Japon se rapproche de plus en plus ! J'ai du mal à y croire, et pourtant je serai bel et bien là-bas pendant une bonne partie du mois de janvier. 

Ma préoccupation principale reste cependant mon mémoire, cette fois-ci. Lors de mon dernier voyage, je me suis tout de même allégrement promenée sous les cerisiers, et j'ai crapahuté un peu partout, en bonne touriste. Cette fois-ci, pas le temps. J'ai trois malheureuses semaines pour avancer ma recherche et ça ne sera pas de la tarte. D'ici mon départ pour le Japon, je dois terminer plusieurs questionnaires d'enquête que je dois distribuer une fois sur place. Je suis donc en ce moment en train de faire deux choses en même temps : mes lectures théoriques, et l'élaboration de ma recherche sur le terrain. Faire les deux en même temps n'est pas simple, mais je n'ai pas d'autre choix que d'avoir finalisé un maximum de choses avant de partir.

Bien sûr, je vais fêter le Nouvel An traditionnel, je ne manquerai pas de dévorer plusieurs repas de sushi ou de yakiniku, j'irai très probablement me promener dans les quartiers des geisha et j'irai peut-être jusqu'à visiter une deuxième fois le Nijô-jô à Kyôto.
Mais les endroits que je risque de "visiter" le plus, ce seront plutôt les écoles primaires dont j'ai déjà brièvement parlé ici, quelques bibliothèques universitaires ou encore l'Institut Franco-japonais de Tokyo...

Bref, je vous donne des nouvelles une fois de retour en terre nippone !

samedi 6 octobre 2012

Going to Japan in 3 months !!


Le mois de septembre a été pour le moins intense. Comme prévu, j'ai passé quatre semaines folles à donner des cours d'expression orale et de compréhension orale en français à des étudiants de tous pays dans un institut de ma ville. En plus de cet aspect "enseignement", il fallait aussi manger avec eux chaque midi, leur proposer des activités chaque jour, dont deux soirées par semaine...je me suis bien vite enrhumée et me suis coltiné une voix d'homme des cavernes pendant une semaine entière, bien incapable de chanter à la soirée karaoke organisée précisément à ce moment-là...
Mais quelle expérience !! J'ai attendu plusieurs années, hésitante, avant de me décider à candidater pour ce boulot, mais le jeu en valait la chandelle. Pire, une semaine après la fin de ce stage intensif, mes étudiants et mes cours me manquent déjà.
La bonne nouvelle, c'est qu'on m'a proposé de donner deux heures de cours par semaine dans cet institut pour le semestre d'automne. J'ai bien évidemment accepté, et même si je ne vais pas avoir le cours le plus passionnant qui soit pour les étudiants (phonétique, mon amie...), je me réjouis de cette nouvelle expérience.

Je m'étais promis de commander mes billets d'avion pour mon prochain voyage au Japon juste après la fin de ce stage.
C'est donc chose faite, depuis lundi dernier ! Je serai au Japon à partir du 29 décembre pour trois semaines environ. Je vais donc passer le Nouvel An là-bas, et j'ai rarement eu aussi hâte de fouler le sol japonais. Je trépigne d'impatience et imagine à peu près tous les quarts d'heure ce que je vais faire le premier soir, la nourriture sur laquelle je vais me ruer d'abord, dans quel temple j'irai faire le hastumôde...
Je ne suis pas touchée par ce genre de symptôme en général (je redécouvre tout au fur et à mesure sur place, comme si mes souvenirs revenaient lentement), mais là il faut bien dire que je suis gravement atteinte de Japonite aigüe, et ce, 3 mois en avance....patience, patience, donc...^^

vendredi 17 août 2012

13 ans.

L'été 2012 ne risque pas de laisser un souvenir très joyeux dans la mémoire de ma famille.
Notre belle Terre-Neuve, notre vieille fifille de 13 ans et demi, nous a quittés dans la nuit de mardi à mercredi. Dans ma tête, beaucoup de souvenirs remontent maintenant à la surface, comme souvent après un décès.

Je me souviens qu'un beau jour courant juin 1999, ma mère est apparue brusquement devant ma soeur et moi, expliquant qu'une annonce proposait à la vente des chiots Terre-Neuve et que si on voulait, on irait le lendemain voir l'éleveur pour en choisir un. Choc général dans toute la maison.
Nous venions de perdre quelques semaines auparavant un magnifique berger allemand, Simba, choisi à la SPA, qui s'était enfui de la maison après seulement 3 semaines chez nous pour retourner visiblement chez ses anciens maîtres, et qui a pour ce faire emprunté une quatre-voies où l'issue était forcément fatale. Un bien triste souvenir pour moi, qui ne m'incitait pas spécialement, si peu de temps après, à aller chercher une nouvelle boule de poils. J'ai cependant acquiescé à la proposition de ma mère, et le lendemain nous étions partis pour la banlieue nantaise à la recherche du domaine de l'éleveur.
Il habitait une jolie demeure dans un coin boisé, avec un étang et des prés à disposition de sa famille et de ses chiens. Nous avons été joyeusement accueillis par un imposant nounours à la fourrure noire teintée de reflets roux : Humboldt, le père de ma chienne. L'éleveur s'est présenté et nous a emmenés vers un enclos où une belle brochette de bébés Terre-Neuve avaient tous les yeux rivés vers nous, la queue battant dans tous les sens. La mère, Cinq'Août, était là également, veillant sur sa progéniture. Elle avait donné naissance à 12 petits, et seuls 6 chiots l'accompagnaient encore, la plupart déjà réservés. Mais la première observation que je me suis faite, en voyant lesdits bébés chiens, c'est qu'ils étaient déjà énormes ! A bientôt 4 mois, un chiot Terre-Neuve a déjà la taille d'un petit veau. Moi qui me voyais prendre notre nouveau compagnon dans mes bras comme un petit bébé, c'était raté...
Les deux seules femelles de la petite troupe nous ont été présentées à part, et comme l'une d'elle boitait, le choix de ma famille a été vite fait. J'avais curieusement plus d'affection pour la petite boiteuse que pour la petite chienne que nous venions de choisir. Pendant que les adultes réglaient les divers papiers attestant de l'achat de l'animal, les parents de ma chienne se tenaient couchés à leurs pieds, deux énormes carpettes qui prenaient toute la place sur le sol de la cuisine. Une habitude que ma chienne s'appliquera à reproduire toute sa vie durant, au demeurant. 
Nous sommes repartis du domaine avec une passagère en plus. Nous ne saurons jamais si c'était notre imagination ou non, mais la petite chienne regardait vers l'arrière de la voiture, sans un bruit, avec les yeux étrangement humides. On dit pourtant que les chiens ne pleurent pas, mais il émanait une sorte de tristesse de cette grande fille maintenant séparée de sa grande famille. 
Cette tristesse n'a de toute façon pas duré. Notre chienne, baptisée Pivoine à sa naissance et rebaptisée Praline par nos soins, à cause des légers reflets chocolat sur son poil noir, n'a pas tardé à nous montrer qu'un bébé Terre-Neuve est aussi le roi des 400 coups. Grignotant n'importe quoi, égorgeant des peluches, dévorant la moitié d'une boîte de chocolats de Noël sans séquelles ou encore mordillant les chevilles des gens lorsqu'elle était trop énervée par le jeu (traumatisant bien des enfants du quartier...), l'enfant chérie nous en a fait voir des vertes et des pas mûres. Ado rebelle, elle profitait de la moindre occasion pour prendre la poudre d'escampette et s'enfuir le plus loin possible, faisant fi des routes et de leurs voitures.
Ce n'est que presque adulte qu'elle a pris des cours de dressage avec ma mère, pendant 2 ans en tout, sans quoi il était apparemment question de la confier à quelqu'un d'autre - je ne me souviens pas pas de cette menace. 
Ma chienne n'a presque jamais ressemblé à un "bébé chien". A 6 mois, elle était toute dégingandée, à se demander s'il s'agissait encore d'un chiot avec ses hautes pattes et sa longue queue. Mais il lui a fallu un moment avant d'être fourni en poils comme il se doit pour un Terre-Neuve. A 2 ans, elle était splendide, plus obéissante, encore active et affectueuse. L'âge d'or a duré quelques années. La rebelle est devenue un chien plus placide, mais moins joueur. Dès cet âge elle a commencé à passer beaucoup de temps couchée telle un tapis dans l'entrée, ou dans n'importe quel lieu de passage histoire de nous rendre la vie plus facile. 
Elle est devenue très vite, et en partie à cause de mes parents, difficile en nourriture et extrêmement quémandeuse. Jusqu'à la fin il a fallu rivaliser d'imagination pour lui faire manger ses croquettes. Et il a fallu bien des prises de tête à table pour qu'elle m'obéisse et aille se coucher loin de la cuisine au lieu de baver à côté de l'assiette de ma mère...
Elle nous a suivi dans bien des endroits ; elle a connu les joies du camping - cette chochotte couinait pour venir dormir au milieu de notre grande tente plutôt que dehors toute seule - les joies de la baignade en mer, forcément - angoissant dès que ma mère posait un pied près d'une vague - ainsi que les marches en montagne et les promenades dans les champs près de chez nous. 
Elle détestait les montgolfières et les feux d'artifice (le seul auquel mon père a eu la bonne idée de l'emmener a été un traumatisme pour elle comme pour nous), ainsi que les jet-ski près de la plage, qui l'ont fait couiner comme jamais tellement elle en avait peur. 
Les années se sont doucement égrenées ainsi, entre les pauses carpette à la maison et les grandes sorties en famille. Si je reprends chacune de ces 13 années, il s'est passé beaucoup de choses dans notre maisonnée, mais ma chienne est toujours restée relativement fidèle à elle-même. Si bien qu'entre la chienne de 4 ans et celle qui venait d'en avoir 9, hormis les quelques poils blancs près de son museau, il n'y avait pas grande différence : un gros chien à l'appétit bien menu pour sa taille, dormant la moitié de la journée mais toujours partant pour une promenade quelque part.
Un chien de race n'est cependant pas à l'abri de pépins de santé, et Praline n'a pas fait exception. Elle a, dès son enfance et pendant longtemps, léché et rogné ses pattes avant, signe de stress. Rien n'a pu l'empêcher de continuer pendant de longues années. Ses oreilles tombantes lui ont valu la visite d'un staphylocoque et une opération pour lui ouvrir le bas d'une oreille afin que les infections diminuent, ce qui n'a jamais été très concluant. Une autre infection, dans l'utérus cette fois-ci, lui a valu l'ablation de celui-ci. Le dernier problème en date, le plus grave, a été la découverte d'un cancer des mamelles, et notamment d'une grosse tumeur dans l'une d'elle qui a été enlevée il y a 1 an et demi. Ma mère a eu beaucoup de courage et a sacrifié beaucoup d'argent pour remettre d'aplomb ce gros chien compliqué qui coûtait cher avec ses 50 kg.
Je crois que c'est vers ses 10 ans que Praline a commencé à ne plus vouloir rentrer dans la maison. Elle a tout bonnement cessé de réclamer à rentrer, elle qui couinait à la moindre petite pluie pour se réfugier dans le garage auparavant. Elle a passé les trois dernières années de sa vie dehors, par tous les temps. Dans le même temps, les signes de la vieillesse se sont accentués ; notre chienne ne se déplaçait presque plus sauf pour sa promenade du soir et un léger voile a commencé à apparaître sur ses yeux, signe d'une petite cataracte. Il y a environ 6 mois, nous avons eu la certitude qu'elle était devenue sourde. Et paradoxalement, elle mangeait, toujours aussi peu certes, mais avec appétit, elle marchait bien (alors que ce genre de chien peut être atteint bien plus tôt de dysplasie des hanches) et semblait résister à vents et marées malgré ses "petits problèmes de santé". Nous nous sommes toujours dit que nous ne hâterions pas les choses tant qu'elle aurait une once de rage de vivre en elle. 
Mais nous avons redouté chaque été et chaque hiver depuis trois ans. Surtout l'été, car notre chienne le supportait de moins en moins bien. L'année dernière, elle a commencé à pousser de sérieux râles après de simples promenades après la chaleur d'une journée entière passée dehors. Ce phénomène s'est aggravé cette année, et nous avons sérieusement craint les conséquences de la chaleur sur ses chances de passer l'été une nouvelle fois, avec un coeur "fatigué" dixit le vétérinaire. J'avais de sérieux espoirs pourtant, voyant en ma chienne une battante exemplaire.
Nous arrivons pourtant à la fin de l'histoire. Elle est dure, et elle me fait monter les larmes aux yeux, mais elle doit être écrite. Mardi dernier, notre Praline, après une journée "normale", a soudain manqué d'air. La tête renversée en arrière, les babines pleines d'une étrange mousse blanche et la langue violette, elle avait toutes les peines du monde à respirer. J'ai réussi à joindre ma mère absente à ce moment-là au bout de trois appels angoissés, et nous nous sommes rués chez le vétérinaire - d'urgence, il était presque 21h. Oxygène, perfusion, piqûre et douche pour faire baisser une monstrueuse fièvre de 42°C, voilà tout ce que la vétérinaire a pu faire pour elle. J'ai eu énormément de peine en regardant ma chienne lutter, surprise par ce soudain coup du sort, et qui nous voyait à peine tant elle semblait occupée à essayer de retrouver l'air qui lui manquait cruellement. 
Elle a été placée dans une cage, toujours oxygénée, et commençait à respirer un tout petit peu mieux lorsque nous sommes allés régler les frais de l'intervention. Je pensais qu'après, nous pourrions aller lui faire une caresse. La vétérinaire a affirmé qu'avant de tenter de trouver la cause de ce soudain revirement de situation dans l'état de la chienne, il fallait absolument que cell-ci puisse retrouver sa respiration pour passer la nuit, ce qui était "loin d'être garanti". Il y a cependant une probabilité pour que son cancer des mamelles ait infecté le thorax, et par là même les voies pulmonaires. J'ai frissonné en songeant que cette fois, c'était sérieux. Elle nous a ensuite conduits à la sortie. Je n'ai pas insisté sur le fait que je voulais aller voir ma chienne, mais j'ai eu un mauvais pressentiment peu après.
Je ne peux que regretter de ne pas y être allée. 
Le lendemain matin, c'est la voix sanglotante de ma mère qui m'a annoncée que notre brave toutou avait succombé dans la nuit, vers 3h. 
Elle n'a probablement pas pu lutter contre la fièvre, à moins que l'air ne lui soit jamais revenu malgré l'oxygène...je prie très fort pour que tout de même, grâce aux divers soins prodigués, elle ait pu s'apaiser un peu et que son coeur a cessé de battre sans qu'elle souffre trop. Je me plais à croire que comparé à l'état dans lequel je l'avais trouvée la veille, elle ne pouvait qu'être un peu mieux. J'espère juste que j'ai raison. Je sais au fond de moi que nous sommes de toute façon loin de la mort naturelle qui surprend doucement le sommeil de l'animal, celle que nous avions espérée pour notre vieille amie. Je sais qu'elle a souffert avant de partir. J'espère juste que ce n'était plus le cas au moment du départ.

Et voilà comment se finit une histoire de treize ans et six mois avec notre chien. La fin est triste, alors je me concentre sur le miracle d'avoir vécu auprès d'un Terre-Neuve pendant plus de 13 ans, quand cette race est sensée s'éteindre vers l'âge de 9-10 ans en temps normal. Tout ce qui a suivi les 10 ans de ma chienne, c'était un bonus à la valeur inestimable. Nous avons, je crois, bien fait attention à ses vieux jours, et j'espère qu'elle a vécu une belle et heureuse vie de chien avec nous. 

Maintenant, cela me fait bizarre de voir que notre chienne faisait partie du bon fonctionnement de cette maison. S'assurer qu'elle avait à boire, qu'elle était bien à l'ombre, aller la promener deux soirs par semaine chacun puis la nourrir, ces petites habitudes n'ont maintenant plus lieu d'être et c'est irréel. 

Je réalise le vide que laisse ce gros chien avec lequel j'ai grandi. Il est proportionnel à sa taille. Mais je suis heureuse et fière d'avoir eu dans ma vie une "grosse mémère" si unique, si tête de mule et si gentille. Je t'adore, mon gros toutou. Merci d'être née, un certain 5 février 1999...