dimanche 10 février 2013

Trois semaines de Japon : Nouvel An.

L'année 2013 est déjà entamée, et j'ai un peu délaissé ce blog depuis que je suis partie au Japon (et que j'en suis revenue depuis un moment d'ailleurs...).

Je suis donc partie pour le Kansai le 28 décembre au soir, avec une escale à Pékin pour laquelle mon avion a traversé l'énorme nuage de pollution qui fait tant parler de lui en ce moment au dessus du Nord-Est de la Chine. L'escale a été de courte durée et après quelques dernières heures de vol, j'étais à Osaka.
Arriver au Japon me fait toujours un drôle d'effet : j'arrive en terrain connu, les affichages en japonais et les annonces de l'aéroport ne me surprennent pas et les conversations des gens autour de moi non plus. En fait, plus le temps passe et plus j'ai l'impression que j'arrive dans mon deuxième chez-moi, et mes sentiments sont donc très différents d'avant. Ce n'est plus l'excitation de la toute première fois où j'ai posé le pied à Tokyo en 2007, les yeux écarquillés et fascinés par un monde tout nouveau même si je le connaissais un peu à travers mes livres et mes conversations avec des Japonais.
Aujourd'hui, je n'ai qu'une phrase en tête : "Enfin, me voilà !". C'est vraiment comme si je rentrais à la maison. L'étape de l'immigration m'agace toujours un peu avec la prise d'empreintes digitales et la photo obligatoires (non non, on ne vous prend pas tous pour des terroristes potentiels, pas du tout...) mais une fois mes bagages récupérés, je suis prête à sourire aux douaniers et à répondre à leurs questions curieuses en japonais comme si j'avais fait ça toute ma vie. Quand les portes du terminal d'arrivée s'ouvrent, c'est une explosion de joie intérieure. Je suis au Japon, bon sang. Mon visage est neutre mais mon coeur danse la samba. 

Ce 29 décembre, donc, je retrouve mon chéri, après 8 mois de séparation. Apothéose du bonheur. Nous dînons à l'aéroport avec l'un de ses cousins, que je ne connaissais pas. Mon premier repas japonais pour cette fois-ci sera un bol de ramen.
Je suis arrivée trop tard le soir pour faire quoi que ce soit. Je découvre l'appartement de mon chéri à Kyoto, qu'il quittera peu de temps après mon retour en France, mais qui était très sympa et spacieux pour une personne seule. Il a juste l'inconvénient, comme les 3/4 des maisons dans ce pays, d'être mal isolé. Donc froid. Et Kyoto étant dans une cuvette, il y fait très froid. Pendant tout mon séjour, j'ai passé mon temps à lutter pour ne pas penser au froid. Ca a été très dur. J'ai renouvelé un pan entier de ma garde-robe avec des vêtements Heat-tech de chez Uniqlo. Malgré ça le froid permanent restera un souvenir non-négligeable de ce séjour. Il ne fait pas vraiment énormément plus froid dehors qu'ici en France. Mais il fait presque aussi froid dedans que dehors, et ça c'est beaucoup plus difficile à supporter. Je me rends compte depuis mon retour que je n'ai pas à porter autant de vêtements ici qu'au Japon car je n'ai pas du tout la même sensation. Il fait chaud dans ma maison, et ça suffit à me réchauffer suffisamment pour affronter le froid de la ville quand c'est nécessaire. Reste donc à savoir si je m'habituerai un jour au Japon à ce niveau-là...

Les festivités du Nouvel An ont été très calmes pour moi ; mon copain ayant perdu son grand-père quelques jours auparavant, le rite shintô lui interdit de fêter les premiers jours de l'année comme tout le monde. Puisqu'il ne pouvait pas entrer dans un sanctuaire sans le "souiller", nous ne sommes allés nulle part le soir du 31 décembre (j'ai loupé pas mal de festivités comme ça, mais bon). Nous avons mangé tranquillement les nouilles de sarrasin traditionnelles, "tokoshi soba". J'ai suivi le décompte à la télé avec une émission de musique classique qui a lieu chaque 31 décembre. Et voilà.
Le lendemain matin, je voulais quand même marquer le coup, et j'ai réussi à convaincre une amie de m'accompagner faire le "hatsumôde", la première prière de l'année au sanctuaire. Nous sommes allées au Yasaka-jinja, l'un des sanctuaires les plus connus de Kyoto. Il y avait bien du monde, mais aucune attente pour s'approcher du sanctuaire, peut-être car l'endroit est assez spacieux. En tout cas, j'ai pu vivre ce moment un peu spécial sans aucun désagrément (à part que ma première prédiction de l'année était mauvaise...)

Après quoi nous sommes partis avec mon copain chez sa famille, près de Kôbe. Nous avons passé les trois premiers jours de l'année chez eux. Le décès du grand-père ayant eu lieu un peu tard dans l'année, les parents de mon copain avaient déjà commandé le repas traditionnel du Nouvel An, composé d'osechi (boîtes laquées contenant divers plats qu'on mange spécifiquement pendant ces jours de congé) et de sushi. Impossible d'annuler la commande, les boîtes-repas attendaient donc sagement dans un coin de la cuisine à mon arrivée. Il s'agissait donc de les manger sans se dire bonne année, et sans ajouter de mochi en soupe ("ozôni", autre plat traditionnel), seulement comme un plat normal. Vu la quantité, nous n'avons pu finir tout ça que le lendemain.
Dans l'entrée de la maison, les figurines symbolisant les animaux du zodiaque chinois avaient déjà changé de place : le dragon qui trônait auparavant au centre sur un petit tapis rouge avait déjà été remplacé par le serpent, signe de l'année 2013.
Par la suite nous avons passé le temps tranquillement dans la campagne, sans plus faire quoi que ce soit de particulier. J'ai rencontré de nouveau l'un des oncles de mon copain, mais cette fois-ci avec femme et enfants ! Je connais maintenant toute sa famille paternelle...
Le 4 janvier, il a hélas fallu quitter ce cocon familial pour retourner à Kyoto. J'aime beaucoup la maison de mon chéri et c'est un vrai crève-coeur d'en partir. Sa maman en particulier est adorable avec moi. Je me sens vraiment très à l'aise dans cette ambiance chaleureuse.
Ah, ça me fait me rappeler d'ailleurs qu'il y a quand même eu un petit "incident" : un après-midi, je voulais prendre un micro-bain de soleil devant la baie vitrée du salon. Mais comme les rideaux ne laissent pas du tout passer la chaleur, j'ai soulevé le rideau et je me suis mise entre lui et la fenêtre, profitant de quelques secondes de rayons chauds. Quelques secondes seulement, car tout à coup j'ai entendu la grand-mère de mon copain qui venait vers moi en me parlant, et qui a commencé à remettre le rideau devant moi. Je ne la comprenais pas très bien mais elle a dit quelque chose comme "on va te voir". Et je me suis souvenue : mon copain m'avait dit que les voisins d'à côté m'avaient bien repérée à plusieurs reprises chez sa famille, et ils ont demandé à la grand-mère si j'étais sa femme (= mariée). Il a fallu répondre que j'étais une amie, car dans ce village le concept de "petite amie" n'existe pas spécialement. Mais apparemment, ça n'a pas l'air de satisfaire la curiosité des voisins, et il semble qu'ils en reparlent parfois à la mamie quand elle est au potager. Du coup, ce jour-là, quand j'étais à ma fenêtre, elle n'a pas voulu que je m'expose au dehors car les voisins auraient pu me voir et ça la gênait. Elle ne voulait probablement pas qu'on vienne encore lui parler de moi. Elle m'a donc littéralement "cachée" derrière ce rideau.
Il faut bien avouer que j'ai été surprise. Je me suis subitement demandé si, dans ce cas, ma présence exposait aussi les parents de mon copain à des ragots désagréables pour eux, mais qu'on ne m'en avait pas parlé. Je me suis demandé si le fait que je sois étrangère compliquait les choses pour eux. J'avais déjà songé à ce risque auparavant, car ça ne me paraissait pas très étonnant dans la société japonaise telle qu'elle est aujourd'hui. Quand je me suis retournée, tout le monde vaquait à ses occupations un peu plus loin et ce petit épisode était probablement passé inaperçu. 
J'ai raconté ce qu'il s'était passé à mon copain pour tâcher de savoir si je posais des problèmes à sa famille et qu'on osait pas me le dire. Il a été surpris, et m'a assuré qu'il n'y avait aucun souci à ce que je sois là et que je sois vue des voisins. Sa grand-mère avait réagi en son nom à elle. Bien plus tard dans la soirée, il est revenu me voir l'air inquiet. Il venait d'en discuter avec ses parents alors que je me reposais à l'étage, et sa maman était devenue furieuse de ce qu'avait fait la mamie. Mon copain m'a expliqué qu'avant le mariage de ses parents, la mamie refusait que les futurs mariés se promènent ensemble. Il ne fallait pas qu'ils soient vus ensemble au même endroit. Pour la maman, elle me faisait donc "subir" la même chose qu'à elle, et elle était sacrément en colère. Mon copain a ajouté qu'ils s'inquiétaient tous du coup que je veuille ne plus revenir dans cette maison à cause de ça.
Je dois avouer que j'ai été un peu gênée d'avoir été la cause de ce petit remue-ménage, et de leur avoir donné du souci à ce point-là. J'ai bien sûr assuré mon copain que tout ça ne m'empêcherait jamais de revenir chez eux ni de me promener dans la campagne si j'en avais envie. La seule chose que je voulais savoir, c'était si ses parents eux-même y voyaient un inconvénient. Il semble que ce ne soit pas le cas. Après cet épisode de choc culturel, la maman a bien insisté dans nos discussions sur le fait que "je pouvais revenir quand je veux, tout le monde m'attendait ici". J'y ai vu une réponse à mes inquiétudes.
Pour moi, "l'incident" est donc clos. Mais ce qui est étonnant, c'est que je suis la seule qui arrive à y penser posément depuis : mon copain et ses parents n'en reviennent toujours pas et espèrent toujours que je n'en ai pas été traumatisée...