lundi 28 mars 2011

Depuis la France...

Voilà un peu plus d'une semaine que je suis revenue en France.

Le samedi 19 mars, je prenais un avion depuis l'aéroport de Narita pour Paris. Le matin, j'étais passée à mon travail pour la première fois depuis le séisme du 11 mars, pour entre autres récupérer mon salaire. J'ai fini par fondre en larmes devant mes employeurs, larmes contenues depuis une semaine mais qui devaient bien finir par sortir vus les événements. Je ne m'attendais pas à ce qu'elles sortent au moment où je me persuadais moi-même qu'il fallait être forte et calme devant les gens à qui je devais faire comprendre en priorité les motifs de mon retour temporaire en France. Tant pis.

Je me suis rendu compte durant toute cette semaine de l'immense barrière qui me sépare encore des Japonais qui m'entourent. Ils ont été capables de reprendre une vie plus ou moins normale malgré une situation assez inquiétante à la suite du séisme. Ils m'ont donné l'impression, à ce moment-là, que j'étais totalement en dehors de leur réalité : moi je n'ai jamais pu vivre "comme avant" durant cette semaine qui m'a paru durer un mois. J'étais trop angoissée par rapport à ce que je voyais à la télé, à toutes ces choses dont je n'arrivais à saisir aucune certitude. A quoi est-ce dû ? Est-ce parce qu'ils sont japonais et moi française ? Est-ce juste à cause de ma propre nature, à cause du fait que je suis anxieuse sur les bords de nature et que je n'ai pas supporté l'incertitude dans laquelle je me trouvais ?
Je ne sais plus très bien. La seule chose que je sais, c'est que trois jours d'enfermement à la maison sans savoir concrètement quelle était la meilleure attitude à adopter pour moi, avec ma famille morte d'inquiétude à 10 000 km de moi, m'ont suffit. J'étais pratiquement décidée à rentrer temporairement dès le troisième jour, au fond. Mais j'espérais encore que je pourrai rester. C'est pour ça que j'ai tenté de partir dans le Kansai. Au final, je n'ai pas réussi à m'y détendre comme je l'espérais. Alors j'ai décidé de rentrer véritablement. Pensant honnêtement que j'avais atteint ma limite, qu'il me fallait retrouver ma famille pour me rassurer un peu.
Oui, pour certains sans doute, j'ai eu la faiblesse de fuir.

Mais que voulez-vous, chacun réagit différemment dans un contexte aussi incertain. Je ne vais pas épiloguer sur le sujet, on en a déjà beaucoup dit.

J'attends, maintenant. J'ai un peu peur de retourner au Japon, là tout de suite, mais bon je suppose que je vais rester un chouïa traumatisée par les répliques, coupures d'électricité et menaces nucléaires pendant quelques temps hein...
Alors je suppose qu'y retourner dans deux semaines ou deux mois n'y changera pas grand chose dans tous les cas.

Essayons d'avoir les idées claires.

mercredi 16 mars 2011

Nouvelles de Kyoto.

Je suis arrivée hier soir en Shinkansen à Kyoto, où j'ai passé la nuit dans une auberge de jeunesse réservée quelques heures avant mon départ. Quelle ironie de monter dans ce train classieux et hors de prix que je n'aurais jamais pris en temps normal, pour fuir au plus vite la capitale.

3h de trajet, un temps infime. Un temps passé à penser, penser, se prendre la tête, espérer, se perdre.

J'ai rencontré des gens, déjà, dans cette auberge, et ils sont dans la même situation que moi. Ils fuient.

Et aujourd'hui, je vais aller visiter quelques beaux temples pour continuer à croire qu'il reste un monde de beauté et non pas uniquement d'angoisse dans ce pays.

On m'a appris que je peux obtenir exceptionnellement un "Re-entry permit" pour mon visa Vacances-Travail, ce qui ne se fait pas en temps normal. Je vais peut-être tenter le coup d'aller à Osaka régler ça et partir ensuite pour la France le plus tôt possible. Comme ça au moins j'aurai une chance de revenir, ça sera un faible réconfort face à la gravité d'une telle décision, mais on se raccroche à ce qu'on peut...

Je viens seulement de commencer à réfléchir à cette possibilité, donc on verra bien.

lundi 14 mars 2011

La galère.

Je pense n'apprendre rien à personne sur la situation au Japon ces derniers jours.

Tout ce que je peux dire, c'est que c'est éprouvant. J'ai passé une nuit pénible à la suite du tremblement de terre de vendredi. Bloquée à Shibuya par l'arrêt total des trains pour la journée, j'ai dû me réfugier dans un manga kissa pour la nuit, où j'ai passé 5h debout à attendre une place pour dormir et avoir accès à internet. Et le matin, partie à 9h passées, je suis rentrée à la maison à 12h30, en comptant 2h d'attente à la gare d'Oji tant les trains étaient peu nombreux et bondés.

Tout cela n'aurait été qu'une mauvaise journée parmi tant d'autres si elle n'avait pas été accompagnée par des images effroyables diffusées en permanence à la télé, et par la terrible réalité d'un tsunami monstrueux dans le nord du pays. Et pour couronner le tout, bien sûr, la menace causée par les conséquences du séisme, à savoir le problème du nucléaire.

Je suis au nord de Tokyo, à 250 km encore plus au nord une centrale est en péril, et on ne sait pas précisément jusqu'à quel point ni ce qu'on risque réellement à l'heure actuelle. La télé se concentre sur les secours des victimes du séisme dans le Nord-Ouest et parle bizarrement très rarement de cette foutue centrale à Fukushima. Les Japonais ont repris une vie normale, autant que faire se peut. Ils laissent la télé allumée à la maison et se tiennent au courant. Des provisions ont été faites au cas où, il ne reste plus qu'à attendre et continuer normalement. J'avoue que moi je ne peux pas. Je dors très peu la nuit. La crainte d'une menace nucléaire me pèse.

C'est trop insoutenable, et en restant ici je ne fais qu'augmenter l'inquiétude de ma famille. Ma mère reçoit des appels de mes tantes et cousins me pressant de rentrer tout de suite en France.

Mais je n'ai pas envie. Je maudis ce foutu séisme d'avoir foutu en l'air la moitié du pays. Mais je maudis encore plus cette foutue centrale d'exister, et d'être là où elle est.

J'ai décidé de partir, comme beaucoup, mais pas de rentrer en France. Demain je me trouve dès que possible une place dans un Shinkansen pour mercredi ou jeudi. Et si tout va bien, je pars jusqu'à Kyoto, et peut-être après jusqu'à Kyushu...pour mieux revenir, je l'espère de tout coeur. Je ne peux imaginer qu'une issue favorable à cette situation absolument horrible.

Prions pour que les habitants du nord du pays s'en sortent le mieux possible, et pour que la centrale de Fukushima ne vienne pas se mêler à ce premier malheur.

lundi 7 mars 2011

Paillettes, gastronomie et flocons de neige.

En début de semaine, on m'a appelée pour me dire que le jeudi soir, je devais aller aider à la préparation d'un petit événement à l'Ambassade de France. A part qu'il s'agissait d'une fête "gastronomique" et que c'était le patron lui-même qui souhaitait que j'y participe avec une de mes sempai de la boulangerie, pas vraiment d'information précise sur ce que je devais y faire ni à quoi ça ressemblerait précisément.

C'est donc sans vraiment savoir ce qu'on attendait de moi que je suis arrivée jeudi soir à l'Ambassade, dans un uniforme tout propre de ma boulangerie, en compagnie de ma sempai, mon appareil photo en main, le coeur battant un peu la chamade il faut l'avouer. Je suis passée par l'arrière-cuisine pour me retrouver littéralement plongée dans l'envers du décor, dans l'immense atelier-cuisine qui servait de théâtre à un ballet de cuisiniers, de serveurs en costume impeccable, se pressant pour achever les derniers préparatifs dans un mélange étonnant de français et de japonais. J'ai salué mon patron, qui m'a gratifiée d'une chaleureuse poignée de main, puis j'ai été présenté à un cuisinier français spécialisé dans la cuisine à base d'olives qui travaille en collaboration avec ma boulangerie. Avec ma sempai, nous avons d'abord aidé ce monsieur à préparer des toasts à servir aux nombreux invités.

Il était bien drôle, avec son accent du sud, sa manière si naturelle de switcher entre français et japonais lorsqu'il s'adressait à ma sempai et moi, et sa manie de prendre des dizaines de photos de ses préparations tel un Japonais pure souche ! Il a été super gentil avec nous, très "cool". Il ne semblait pas être particulièrement stressé par l'événement et ne nous a pas imposé un rythme de préparation particulièrement intense. On a même été autorisées à aller voir de l'autre côté ce que donnait la fête. En fait, il y avait d'abord une salle aux couleurs chaudes où l'on finissait de préparer un banquet de nourriture française et un coin rafraîchissements. Les verres étincelants, les fleurs délicates disposées ça et là et l'ambiance générale de la pièce m'ont donné l'impression d'assister à quelque chose d'exceptionnel.

Et ce n'était pas fini. On a poussé l'une des immenses portes qui donnait sur le brouhaha des invités et on a été propulsées dans un monde de strass et paillettes que je ne pensais voir que de loin, à la limite. Un beau mélange de bons franchouillards bien de chez nous (ça se voyait rien qu'à l'apparence, haha), d'élégantes Japonaises (dont une vêtue d'un magnifique kimono bleu), de monsieurs japonais à l'air constamment affairé. Nous sommes tombées sur le patron qui nous a fait venir jusqu'à un petit stand où étaient installés des pains et pâtisseries qui m'étaient bien familiers...! Sur la même table se tenaient également les stands de deux fromageries japonaises présentant du camembert et du roquefort notamment...oui, l'odeur était elle aussi bien présente.


Le principe de cette réception nous a été expliqué à ce moment-là : il s'agissait d'un événement de promotion de la gastronomie française au Japon. Le ministre français du Commerce extérieur devait faire un discours un peu plus tard devant les invités, et nous devions tenir le stand avant et après ce discours.

C'est donc ce que nous avons fait. Couper quelques morceaux de pains pour les proposer aux invités, en faire un peu la promotion en français et japonais, converser d'un peu tout et n'importe quoi avec les invités étrangers affichant souvent un petit sourire signifiant "Tiens, une compatriote !". J'espère que j'ai fait bonne figure, en tout cas j'ai fait de mon mieux. J'ai quand même eu parfois un peu de mal à formuler naturellement des phrases polies en français. Le japonais a envahi mon cerveau haha.


Et puis à un moment deux autres personnes nous ont remplacées et on nous a dit d'aller manger quelque chose en profitant de la fête. On m'a même fourré dans les mains un cône rempli de fines tranches de jambon de pays basque qui étaient distribués dans la salle d'à côté. Eberluée, je me suis retrouvée à trottiner dans la grande salle pleine de gens classes. Toujours avec ma sempai, on s'est servies en boissons, en petites tartelettes chocolat d'un grand pâtissier, en saucisson et en pot-au-feu véritable servi dans un petit bol en porcelaine. On s'est émerveillées devant deux immenses gâteaux et des galettes des rois servies à profusion à une autre table. Le cuisinier français que nous avions aidé au tout début nous a alors retrouvées et a fait semblant de se plaindre que nous étions parties sans prévenir. Il est vrai que l'on s'est littéralement fait happer par le patron qui a immédiatement demandé notre aide, donc...^^"
On est retournées au stand, mais on était à peine arrivées depuis deux minutes que le même cuisinier vient nous proposer d'aller manger rapidement de la glace qu'il a gardée en réserve pour nous. On est donc allées déguster nos glaces (absolument divines, faut-il le préciser ?) et lorsqu'on est retournées au stand, c'était l'heure de commencer à ranger. On a rempli des sachets de pains divers et variés pour que les invités les ramènent chez eux. Le patron m'a fourré dans les mains deux boîtes de biscuits Gerblé qui restaient sur un stand plus loin, en guise de cadeau. Et puis voilà, on a récupéré nos affaires et on a été autorisées à partir.


J'ai eu tout bonnement l'impression d'être à la fois dans un documentaire type Capital ("Nous nous trouvons à présent dans les coulisses de la réception où tout va se jouer. L'heure fatidique approche, les derniers préparatifs se font d'un pas pressé et anxieux.") ou bien dans un film (du genre Orgueil et Préjugés dans la salle de bal quand la caméra suit l'héroïne dans toutes les pièces...c'est un peu comme ça que je me promenais de salle en salle jeudi soir !)
Même en tant que membre du staff, j'ai eu le droit de me promener parmi les invitées presque comme leur égale. Ca fait une impression bizarre tout de même !

Et puis retour à une vie plus normale vendredi, quand même, il le faut bien. J'ai bossé comme d'habitude à la boulangerie, mais on s'est dit avec ma sempai qu'on s'était bien amusées la veille et que ça serait bien si d'autres occasions comme ça se présentaient à l'avenir.

Hier ils annonçaient de la pluie pour aujourd'hui, avec un potentiel risque de neige. Ca m'avait bien fait rire, il faisait 15°C hier après-midi. Sauf qu'à mon réveil ce matin, les toits étaient bel et bien recouverts d'une fine couche de neige et le parc en face était en partie blanc. Certes, la pluie avait déjà effacé une bonne partie du manteau, mais j'ai été abasourdie de voir qu'il peut effectivement neiger après une journée aussi douce qu'hier...
Les mystères de la météo...!

mardi 1 mars 2011

Une journée de travail, ça donne quoi ?

Allez, il est temps de révéler à quoi ressemble une journée à la boulangerie-pâtisserie où je travaille.
Déjà, je travaille du jeudi au dimanche, de 10h à 16h. Je suis uniquement en "arubaito", en petit job, et en cela je suis chanceuse au niveau des horaires. Les employés permanents commencent à 5h30 et finissent à 19h théoriquement...!

J'arrive vers 9h45 (oui hein, on est au Japon) et me prépare pour commencer à travailler un peu avant 10h. La boutique étant constitué d'un rez-de-chaussée consacré à la vente, l'espace boulangerie "à la française", et d'un café au 1er étage, je me prépare dans le vestiaire en haut et descends ensuite saluer mon patron et les permanents d'un "Ohayô gozaimasu" énergique ! Je me lave systématiquement les mains, ce qui me laisse le temps d'apprendre par un des employés où je suis affectée pour le moment. Trois possibilités s'offrent à moi : toute la journée à la vente, toute la journée au café, ou les deux en alternance. Au début j'étais systématiquement à la vente, et petit à petit on m'a demandé d'aller faire la vaisselle au café, ou bien d'aider à diverses préparations là-haut, et je me retrouve maintenant souvent à alterner les deux activités.

Epi-bacon et Souris-pépé : deux de mes favoris pour la pause déjeuner !

Pour l'instant je vais aborder la vente, et je poursuivrais dans un autre billet pour parler du travail au café. Alors, vendre des pâtisseries au Japon, ça consiste en quoi ? Oh je pense que ceux qui ont déjà bossé dans ce genre de magasin ne seront pas vraiment surpris. Mais c'est la toute première fois que je travaille ainsi donc tout me surprend, pour ainsi dire ^^
La boulangerie est disposée à la française dans le sens où, contrairement à beaucoup de boulangeries japonaises où les clients se servent eux-mêmes avec un plateau, les pains et les pâtisseries sont présentés derrière une vitre où bien de toute façon du côté des employés. C'est à nous de prendre un petit plateau, une pince, et de sélectionner pour le client les produits qu'il indique. Comme en France, donc.
Quand j'arrive, généralement il y a des pâtisseries à mettre en place, les étiquettes de prix à placer correctement, et bien sûr les clients à servir. Le jeudi et le vendredi, il y a beaucoup de moments où il ne se passe pas grand chose, les clients sont moins nombreux. Dans ce cas, il faut absolument trouver de quoi s'occuper : faire le ménage de la machine à pain, du sol, des boîtes de conserve, des présentoirs ; vérifier que les prix sont bien visibles pour les clients ; déplacer, replacer les grilles dans lesquelles sont présentés les pâtisseries pour que tout rentre bien comme il faut...à savoir qu'on ne mélange pas les produits sucrés et salés dans la même grille. Et que les pains doivent être présentés selon le type de farine utilisée.

Une Française heureuse et satisfaite...

En plus de ça, la plupart des pains doivent être emballés dans un petit sac en papier, les baguettes, parisiens et bâtards enroulés dans une grande feuille semi-opaque comme chez nous, et la majeure partie des pâtisseries dans un petit sachet plastique (le "vinyl" comme on dit ici !). Oui oui, imaginez une petite brioche, une part de pizza, ou un beau brownie couvert de sucre glace...dans un bête sachet plastique. Ou comment ruiner à moitié la marchandise, selon moi. Mais bon. Donc, il faut maîtriser l'art d'emballer les produits, c'est important, c'est précis, tout ça.

Je viens d'apprendre à faire la caisse, qui ne diffère pas énormément de la manière de procéder en France, à part qu'on décrit à peu près tout ce qu'on fait à voix haute. En guise d'exemple, littéralement, ça donne "Je m'apprête à vous déranger en passant à la caisse", (je passe l'énumération pas forcément nécessaire des marchandises) "Cela vous coûte 1850 yen", "Je reçois 5000 yen", "Voici la grosse monnaie : 3000 yen" "Et voici le reste de la monnaie : "150 yen, et votre ticket de caisse" "Nous vous avons fait attendre. Merci beaucoup !"
C'est plutôt marrant à dire, même pour moi ce n'est pas encore aussi naturel que mes collègues !
Voilà en gros pour la vente en magasin.