dimanche 30 octobre 2011

Juillet 2011 : Kurashiki et Okayama


Le trajet en bus se passe sans encombre. Je passe mon temps à somnoler, et en deux temps trois mouvements nous voilà descendus à la gare d'Okayama, chef-lieu de la préfecture du même nom. Ladite préfecture est célèbre entre autres pour ses beaux paysages de campagne verdoyante, ses pêches et ses raisins dont c'est la pleine saison. Malheureusement, notre passage dans la préfecture est de courte durée, nous verrons peu de choses. Avant même de visiter la ville d'Okayama en elle-même, et de retrouver le frère de mon copain qui étudie et habite ici, nous avons décidé de faire un tour par une petite ville plutôt connue des touristes japonais, Kurashiki. Nous déposons donc nos sacs de voyage dans des casiers à la gare, et prenons un petit train local jusqu'à Kurashiki.
Comme j'ai eu l'occasion de le voir dans beaucoup de villes réputées pour leurs monuments historiques, du genre Nara ou Himeji, il ne faut pas se fier aux apparences. On arrive toujours dans une ville "japonaise classique", c'est-à-dire comme partout, du béton, des immeubles plus ou moins grands, et au moins quelques câbles électriques bien visibles. En bonus, quelques conbinis en détournant un peu le regard vers un coin de rue. Et c'est là qu'il faut marcher, muni d'un plan ou non, mais dans tous les cas s'éloigner de cet accueil ordinaire, pour partir à la recherche d'un autre Japon. Et c'est exactement ça qu'il faut faire à Kurashiki.
S'éloigner de la gare permet de déboucher soudain sur une petite rue bordée de maisons traditionnelles, qui promet de bien plus beaux paysages urbains par la suite.


Pour la petite histoire, Kurashiki était il y a bien longtemps une petite cité marchande prospère, et en son centre furent bâtis des dizaines d'entrepôts au style architectural très reconnaissable (murs blancs couverts par endroits de tuiles noires), où l'on stockait notamment du riz ainsi que diverses marchandises qui transitaient par un système de canaux traversant la ville. Aujourd'hui, ce qu'il reste de ce quartier occupe une portion minuscule de la ville, et se nomme "quartier historique de Bikan". C'est ce que viennent voir les touristes, mais au vu du nombre restreint de touristes étrangers, il semblerait que Kurashiki ne soit pas très connu à l'international...
Avant même de pouvoir approcher le fameux quartier, nous sommes abordés par un jeune homme brandissant une pancarte, qui nous propose d'aller jeter un oeil à un petit "marché" organisé sur un petit terrain entre deux maisons, tout près. Curieux, nous allons y faire un tour. Il s'y vend des fruits et légumes, du miel, des spécialités locales, sur des petits stands comme à un matsuri ! Un énorme cube de glace est posé devant un ventilateur pour rafraîchir les gens qui feraient une pause sous un parasol au fond du terrain. Je m'achète une irrésistible pêche à 100 yen (elles en font 400 de plus dans les supermarchés, une aubaine !) et la déguste tandis que mon copain se régale de takoyaki tout chauds.
Nous reprenons notre route tranquillement et atteignons le fameux quartier Bikan. L'atmosphère s'y fait tout à coup plus douce. Nous longeons de luxueuses demeures d'époque traditionnelles, dans lesquelles vivaient les familles de marchands prospères. De l'autre côté de la rue, les entrepôts alignent leurs façades immaculées ornées de tuiles, et l'on se retrouve plongé dans une autre époque.
  
 
  


Bientôt se profile le canal, bordé de saules pleureurs, autour duquel se pressent les touristes. Les carpes qui peuplent ses eaux se prélassent paresseusement près de la surface. Malgré les touristes un peu trop nombreux à mon goût, le temps semble s'être arrêté sur Bikan. Aucun passage de voiture, juste le calme. Nous faisons des pauses régulièrement dans notre promenade, car malgré le vent qui circule facilement dans ces rues étroites, la chaleur est toujours aussi présente.










Nous nous éloignons du centre historique pour arriver sur une grande route, de l'autre côté de laquelle on aperçoit une colline de verdure. Après un peu de grimpette, il s'agit en fait d'un vieux cimetière posé sur une hauteur, duquel on a une assez jolie vue d'une partie de la ville. Mais le petit escalier qui sillonne la colline  ne mène à rien de plus intéressant, et la chaleur a trop vite raison de nous : nous redescendons. Nous passons près de Kurashiki Ivy Square, une ancienne et imposante manufacture en brique rouge qui abritait autrefois les ateliers de filage de la ville. Il s'agit aujourd'hui d'un lieu de loisirs, avec notamment un hôtel assez chic et des restaurants. Nous retournons dans le périmètre plus "traditionnel" de la ville, peuplé uniquement de maisons basses.





Alors que nous remontons une ruelle, nos yeux s'arrêtent sur une devanture plus qu'originale : un magasin de décoration intérieure 100% turc ! Et, apparemment, il y a même un salon de thé, et ils servent....des kebabs ! Le chéri, déjà emballé à l'idée de manger un kebab, me propose de nous restaurer là. Et nous voilà accueillis par un jeune homme turc au ton joyeux, accompagné d'une femme japonaise très bronzée et au style très "cool", qui nous posent des questions, rient pour un rien et nous invitent à nous assoir à une petite table. De l'autre côté se tient la boutique, pleine d'objets décoratifs colorés. On nous sert un kebab délicatement présenté dans un pain rond coupé en deux. A la différence de chez nous, pas de frites, et pas de sauce lourde pour accompagner la garniture, mais une sorte de sauce salade légère qui rend ce kebab turco-japonais un brin diététique. Et délicieux. On nous fera la fleur de nous offrir de la glace turque, qui s'allonge sans fin tel un élastique.



Après avoir échangé quelques mots avec le vendeur, nous retrouvons le Japon dans les rues de Kurashiki, Japon un rien oublié dans l'antre turque de laquelle nous sortons. Nous nous promenons jusqu'au pied d'une colline indiquée sur le plan comme un lieu intéressant, où trône un sanctuaire shinto. Nous voilà de nouveau à grimper, et malgré l'ombre des arbres, c'est dur. Enfin au sommet, un petit coup d'oeil au sanctuaire s'impose ; on profite aussi du vent et de la belle vue sur Kurashiki.






Une fois redescendus, nous retournons flâner dans le quartier Bikan. Et puis, comme l'heure tourne tout de même, nous devons songer à retourner à Okayama. En passant par une ancienne arcade commerciale (j'en aurai vu des arcades, durant ce voyage !) nous retournons à la gare de Kurashiki. Après un petit tour par la galerie marchande de la gare où sont proposés à la vente des pêches et des raisins aux prix faramineux, nous reprenons notre train pour Okayama.






Masashi, le frère de mon copain, nous attend sur la place devant la gare. Cela faisait longtemps qu'on s'était vu, et je suis contente de passer un petit moment avec lui ; je l'aime bien, le petit frère ^^ ! 
Okayama est avant tout une ville imposante et très moderne. Des immeubles partout, de grands boulevards, elle ressemble à n'importe quelle grosse ville japonaise à première vue. On y trouve cependant un petit écrin préservé, même si fortement aménagé. Cet endroit s'appelle la "culture zone" (en anglais s'il vous plaît), et se trouve à une vingtaine de minutes de marche depuis la gare. Nous descendons donc la grande avenue qui part de la place de la gare, puis passons par de plus petites rues latérales. L'impression d'une ville japonaise tout à fait ordinaire s'accroît ; cependant je ne perds pas espoir de trouver de l'intérêt à ce qui va suivre. Nous traversons une arcade commerciale (oui, encore et toujours !) très lumineuse, dans laquelle nous tombons par hasard sur un petit "festival de Paris" dont la programmation est visiblement entièrement....japonaise.






Peu de temps après, nous atteignons enfin la fameuse "culture zone", et si l'on ne se retourne pas, on peut imaginer que les immeubles n'existent plus. Le spectacle en face de nous est plutôt joli ; une rivière bleu profond serpente entre deux coins de verdure, aménagés en promenade. Un pont relie les deux rives, plus loin. Je devine qu'à gauche se cache le Kôrakuen, un célèbre jardin japonais, et sur la rive droite se dresse au-dessus des arbres le château d'Okayama. Voilà ce que nous sommes venus voir.

Nous commençons à longer le bord de la rivière, mais la chaleur est particulièrement accablante et mon copain la supporte très mal. Nous devons faire des pauses régulièrement et recherchons au maximum les chemins à l'ombre. Nous arrivons ainsi jusqu'au château d'Okayama, ou plutôt ce qu'il en reste. Comme beaucoup de châteaux médiévaux, il n'en subsiste plus grand chose si ce n'est le donjon, reconstruit en béton. D'aspect un peu trop surfait, il ne fait pas vraiment authentique mais avec ses murs noirs et les dorures qui ornent les extrémités de son toit, il n'est tout de même pas désagréable à regarder. Nous décidons de ne pas entrer visiter le donjon-musée, et nous contentons de faire une nouvelle pause sur un banc à l'ombre.






Puis nous repartons vers l'autre rive, et traversons le pont sur la rivière. La lumière du soleil commence à baisser très doucement, nous approchons de la fin de l'après-midi. Malgré cela, l'humidité est intolérable, et l'ombre des arbres se fait de nouveau nécessaire. Après avoir contourné l'enceinte de verdure qui délimite le Kôrakuen, nous en atteignons l'entrée. Ce jardin fait partie des trois plus beaux jardins japonais du pays. Après avoir passé un recoin ombragé, on débouche sur une vaste étendue d'herbe, traversée de plusieurs petites allées, et ornée d'un petit étang en son centre. A cette période de l'année, il n'y a malheureusement aucune plante ou aucun arbre en floraison, ce qui aurait agrémenté un peu ce vaste jardin. La promenade parmi les pins, les buissons taillés avec soin et les rochers posées ça et là dans l'eau comme sur l'herbe le rendent cependant très agréable. Une petite colline surplombe le tout, et le château d'Okayama, au loin, s'encastre admirablement dans le paysage.





Plus loin, des visiteurs se prélassent près d'un petit ruisseau. Curieux, nous nous approchons, et découvrons qu'ils trempent leurs pieds dans l'eau fraîche, dans un lieu ombragé prévu à cet effet. Ni une, ni deux, nous faisons de même. L'eau qui ruisselle entre nos pieds fatigués nous redonne un peu d'énergie.
Arrivés de l'autre côté du parc, nous voilà face à des volières où des grues japonaises nous fixent avec méfiance. Elles se déplacent avec une vivacité incroyable, je n'ai réussi aucun cliché décent. Alors que nous nous éloignons, nous les entendons tout à coup pousser des cris d'une force impressionnante, comme si quelqu'un les avait attaquées. Nous revenons sur nos pas pour voir, mais les oiseaux sont de nouveau d'un calme impérial et nous n'en saurons pas plus. J'aurai au moins eu la chance d'entendre à quoi ressemble le cri d'une grue japonaise...!





Le jour décline sérieusement à la fin de notre promenade, et lorsque nous sortons du parc, n'ayant plus rien  de prévu sur Okayama, il nous faut déjà songer à rentrer. Mon copain et moi achevons en effet ce voyage ici et devons prendre le train pour rentrer dans sa campagne du Kansai. Nous prenons alors tous les trois le tramway sur la large avenue qui remonte jusqu'à la gare, et allons chercher nos affaires laissées dans des casiers. Après avoir acheté notre billet de train, nous devons déjà dire au revoir à Masashi. Ce fut court, mais très appréciable en sa compagnie. Nous passons l'accès aux trains et ne tardons pas à voir venir sur le quai le train express qui nous ramènera directement jusqu'à la banlieue de Kobe.
Tard dans la soirée, nous voilà rentrés à bon port, et mon grand voyage dans le sud du pays s'achève ainsi, après une semaine de visites qui m'ont tout simplement donné envie de revenir explorer ces régions dont j'ai vu si peu finalement.

La saga de juillet continue encore quelques temps, car j'ai vu encore quelques belles choses en me baladant dans les grandes villes du Kansai, et je voudrais aussi raconter un peu à quoi ressemble une ascension du Mont Fuji. A très bientôt donc !

Prochain épisode : Osaka et Ashiya.



vendredi 21 octobre 2011

Juillet 2011 : Hiroshima et Miyajima.


Le bus de nuit japonais est une machine performante. Partant généralement pile à l'heure, la machine est réglée comme du papier à musique. Au point qu'on arrive parfois même en avance à notre destination...
Ce fut le cas sur le trajet Fukuoka - Hiroshima. Le bus me déposera à 5h45 au lieu de 6h du matin à la gare routière de la ville. Qui, je le découvre assez vite, se trouve à plusieurs kilomètres de la gare ferroviaire de Hiroshima. En fait, mon programme à la base était de chercher un "mankitsu", un café-manga où l'on peut se reposer/consommer des boissons à volonté/prendre une douche/aller sur internet/et accessoirement lire des manga parmi des milliers de références. Le genre d'endroit que je connaissais déjà pour y avoir passé une partie de ma nuit du 11 au 12 mars dernier...
En ce cinquième jour de voyage, je commence à ressentir une grosse fatigue, surtout après cette journée à crapahuter entre Kumamoto et Fukuoka. Il me faut faire une pause, et j'avais d'ores et déjà choisi la veille de me poser dans un mankitsu tranquillement en attendant le chéri qui ne pourrait  me rejoindre qu'à la toute fin de la matinée.
Le hic, c'est que je savais qu'il y avait des cafés-manga près de la gare, mais j'en étais très loin à mon arrivée. Un peu incertaine, je regarde à ce moment-là les panneaux de signalisation qui indiquent le château de Hiroshima assez près de la gare routière. Me souvenant vaguement que le château se trouvait près d'une route menant à la gare ferroviaire, je décide d'aller y faire un tour.



Il est 6h du matin, les larges avenues de Hiroshima sont presque désertes. Un doux soleil perce le feuillage des arbres du parc que je traverse. J'arrive à un gros boulevard, et de l'autre côté se trouve l'entrée de l'ancienne forteresse. Après avoir traversé par un passage souterrain difficile à trouver, je peux enfin pénétrer à l'intérieur. En fait, ce fameux château est plutôt un ensemble de ruines. L'entrée a été restaurée, mais à l'intérieur il s'agit plutôt d'un parc où quelques pierres attestent ça et là des murs qui abritaient les seigneurs d'une autre époque.





Caché derrière une grande cour peuplée d'arbres, le donjon du château, situé complètement sur une extrémité de l'enceinte de pierre et donnant sur les douves, est le seul édifice à avoir été reconstruit. Je fais tranquillement le tour du parc tandis que le soleil s'élève progressivement et que la chaleur se fait oppressante. Le cap des premières heures agréables du jour a été franchi, s'en vient l'implacable torpeur qui sévira toute la journée. Je sors du parc du château par une autre porte et fait le tour des douves pour voir le donjon de l'extérieur.






Je repère ensuite l'indication "Gare de Hiroshima" sur un panneau et entreprend de remonter une longue, longue avenue (à l'ombre !) qui s'en va vers des quartiers plus animés. Il faut dire qu'il est à peine 8h, mais des écoliers et des collégiennes se pressent déjà sur le chemin de l'école. Je les croise, et je ne peux m'empêcher de les envier de porter un uniforme si propre et de débuter la journée frais comme la rosée du matin. Ce matin-là, la nécessité de me reposer et de me changer est devenue une obsession. Je précise que c'est la seule fois où j'ai dû me passer de toilette du matin de tout mon voyage, mais quand on est au Japon, l'été, par une humidité pareille qui ne vous lâche pas la grappe de toute la journée, ça a visiblement des conséquences notables :P
Après avoir traversé des boulevards et des ponts offrant le spectacle d'une ville japonaise plutôt ordinaire mais pas désagréable, je me trouve enfin devant un passage souterrain menant à la gare de Hiroshima. Mais les souterrains de ladite gare sont multiples, et la gare assez étendue. Je me retrouve du côté d'une entrée de la gare qui, à l'évidence, n'est pas celle que je cherche, car il n'y a rien autour. Je perds un temps fou à chercher autour, puis à reprendre en sens inverse le souterrain (où je me poserai quelques instants devant un écran géant qui rediffuse à ce moment-là un match de l'équipe féminine de football japonaise) pour retrouver la bonne sortie. J'arrive enfin, ô miracle, devant l'entrée principale de la gare, et je n'ai qu'à tourner la tête pour voir que le bâtiment accolé juste à sa droite est un mankitsu. Je n'en peux plus, je suis littéralement lessivée, mais quel soulagement ! Je monte jusqu'à l'étage indiqué, réserve une petite pièce perso avec un ordinateur et vais m'installer. Comme il n'y a qu'une douche et qu'elle est prise, je dois patienter avant de pouvoir prendre la mienne. Quand c'est enfin fait (bonheur~~), je me choisis quelques livres et m'assois paresseusement dans mon petit compartiment, en attendant des nouvelles du chéri.



 Celui-ci finit par arriver à la gare à 11h passées, et je vais le rejoindre, presque fraîche et dispose. Nous nous procurons un plan du tramway à un guichet, et empruntons ce dernier pour nous rendre d'office à l'endroit le plus important de la ville : le Parc du Mémorial de la Paix. Il ne faut pas plus de quelques minutes après la descente du tramway pour voir apparaître le Dôme de la Bombe A, vestige de l'ancien Palais d’exposition industrielle du département de Hiroshima, si tristement célèbre pour être l'un des seuls bâtiments qui n'ait pas été soufflé complètement par la bombe nucléaire qui a explosé le 6 août 1945 cent cinquante mètres plus loin, à 580 m d'altitude. On voit tant de photos de cet édifice dans les livres d'histoire ou sur internet, que je me demandais quel effet cela faisait de le voir en vrai, avec toute la portée symbolique qui va avec. Dès que je l'ai aperçu, j'ai eu un léger frisson, et plus un mot à la bouche hormis "C'est là". Il m'est apparu comme si je l'avais toujours connu, et jamais vu réellement à la fois. Il n'a rien de menaçant, pourtant la structure rouillée du dôme dépouillé et les murs à demi détruits se chargent de rappeler fortement dans quelles circonstances tout a disparu. Ce n'est pas une ruine ordinaire. J'y ai "senti" quelque chose.






Le Dôme est situé un peu en amont du Parc du Mémorial de la Paix, de l'autre côté de la rivière. Nous traversons un pont pour nous y rendre. Ici, dans la verdure, sont rassemblés des monuments en hommage aux victimes de Hiroshima et plus généralement pour la paix dans le monde, pour un monde sans arme nucléaire. Le Monument de la Paix des Enfants est entouré d'abris vitrés exposant des dessins d'enfants et des "senbazuru", les "mille grues", pliages de papier en forme d'oiseau fabriqués par les enfants de la région pour souhaiter la paix, tout comme à Nagasaki.
En face s'étend la partie du parc où se trouve la flamme de la Paix, installée sur un bassin, et le fameux cénotaphe en hommage aux victimes du 6 août. Des écoliers aux casquettes jaunes se pressaient par petits groupes autour d'un professeur qui expliquait ce qu'était le monument. Mais lorsque certains m'ont vue, ils se sont précipités vers moi pour m'assaillir de "Haloooo" et ont tenté de me parler en anglais. Ils ont même demandé à mon chéri (japonais !) s'il était étranger. Je n'avais pas encore eu l'occasion de me retrouver entourée d'autant d'enfants japonais de cet âge (ils m'encerclaient littéralement), et leur vivacité m'a un peu désarçonnée. Mais bon, ils étaient mignons :P
Lorsqu'ils ont enfin été tous partis, j'ai réussi à prendre la fameuse photo du cénotaphe avec, en arrière-plan, la flamme et le Dôme.








Comme nous mourions de faim, nous sommes retournés près de la gare du tramway à la recherche d'un endroit où nous restaurer. Nous finissons par trouver un petit restaurant pas trop cher dans un grand centre commercial, où je me prends une délicieuse "omurice", omelette fourrée avec du riz et du poulet, suivie d'un petit plaisir : un joli "parfait chocolat" *-*



Après ce bon repas, nous retraversons le Parc du Mémorial pour nous poser un peu sur un banc, près du Musée Commémoratif de la Paix que nous allons ensuite visiter. Les objets, récits et reconstitutions dans ce musée ne s'expliquent pas vraiment, il faut le voir soi-même. C'est un musée chargé en souvenirs, et pas des plus joyeux. J'ai pris quelques photos pour garder certains éléments en mémoire, mais je me suis abstenue la plupart du temps pour mieux regarder. Une exposition temporaire reproduit des lettres de personnes qui expliquent la disparition d'un frère, d'un enfant, emporté par le "mal de la bombe", accompagnées d'une mèche de cheveux, d'un vêtement de bébé noirci et brûlé par endroit, d'un souvenir. Cette dernière partie est la plus terrible. 
Le musée m'a fait une forte impression, et même si le parc en général est empreint d'une atmosphère paisible, même si sans les photos c'est dur d'imaginer ce qui se trouvait sous nos pieds à la place de cet espace vert il n'y a pas si longtemps que ça, on n'oublie jamais la réalité qui a amené l'existence même de cet endroit. Je suis contente d'avoir visité Hiroshima ne serait-ce que pour ça.






En nous promenant dans une galerie marchande tout près du parc, mon chéri et moi immortalisons notre visite de Hiroshima sur des purikura...bon d'accord, j'avoue, c'est moi qui voulais en faire parce que ça faisait longtemps, et on a trouvé un game center providentiel alors hop, j'y ai entraîné le pauvre homme contraint et forcé. Huhu.
Après avoir fait un petit tour dans le quartier, il commence à se faire un peu tard, et nous devons rejoindre l'auberge de jeunesse que nous avons réservée juste à côté du ferry qui mène à Miyajima. A vrai dire, hormis le Parc du Mémorial et le château de Hiroshima, ce n'est pas qu'il n'y a rien à visiter mais la ville est entièrement moderne et faite pour que ses habitants y vivent. En gros. Pour nous, il ne restait plus grand chose à visiter même s'il faut dire que l'ambiance générale de la ville est très sympa.



Il nous faut donc  reprendre le tramway puis prendre un train à la gare, car l'auberge qui nous attend est à environ 40 mn au sud du centre de Hiroshima. Après un trajet passé dans un train plutôt bondé, nous arrivons à la petite gare de Miyajimaguchi. La nuit est tombée, les magasins ferment. Seul le terminal du ferry, dont la structure imite celle d'un sanctuaire shintô, est éclairé tel un monument d'importance en face de nous. L'auberge de jeunesse, située un peu en recul à sa droite, n'en est pas pour autant difficile à trouver. Il s'agit d'un petit immeuble blanc, coincé  entre un immense "mansion" et un grand parking. Nous sommes accueillis au "Backpackers Miyajima" (un nom très connu sur internet car réputé pour être une excellente adresse routarde) par Shinji, un Japonais très cool qui rigole tout le temps et s'émerveille de tout. Il a même étudié le français il fut un temps, et m'en ressort quelques extraits. Il nous conduit à la chambre dortoir que nous occuperons. Et quelle surprise ! Au lieu d'une chambre classique d'auberge de jeunesse avec des lits superposés, il s'agit d'une vaste pièce en tatami où chacun dispose...d'un futon ! En tout 6 à 8 personnes peuvent y dormir. Quelle bonne idée pour les gens comme moi qui adorent dormir dans un futon ^-^
Nous sortons acheter de quoi dîner à l'unique conbini du coin. La nuit noire et les embruns salés provenant de la mer juste à côté donnent une ambiance étonnante à ce petit bout de ville japonaise ; il faut dire qu'hormis à Kamakura, il m'a rarement été donné d'être si près de la mer alors qu'elle entoure l'archipel entier :P
Comme nous avons décidé de faire des feux d'artifice ce soir-là, après avoir dîné dans un salon sympa mais où j'aurais bien aimé me passer du son tonitruant de la télévision que regardait un groupe d'Américains, nous sortons et selon les indications de Shinji, nous contournons le parking pour nous retrouver sur une sorte de jetée déserte derrière l'immeuble. La pleine lune au-dessus de nos têtes donne une ambiance sérieusement mystique à cet endroit où, à part le clapotis des vaguelettes sur la jetée, il n'y a aucun bruit ; qui plus est, nous sommes seuls avec nos feux d'artifice, il n'y a personne aux alentours. Une sorte de barge en bois se balance doucement au rythme des vagues, près d'un escalier qui s'enfonce dans l'eau. Nous nous installons sur les marches et allumons nos premiers feux. La masse sombre de l'île de Miyajima nous fait face, mais malgré nos efforts nous ne verrons pas le torii géant pourtant censé être illuminé chaque soir. Sans doute est-il trop loin. La mer en revanche paraît drapée d'une étoffe blanche qui scintille à sa surface. Les étincelles des feux d'artifice que nous tendons au-dessus de l'eau s'y reflètent aussi joliment que la pleine lune. Ce fut un joli moment. Si beau que je n'en ai d'ailleurs pris aucune photo...

Le lendemain matin, après une bonne nuit de sommeil, départ tranquille en milieu de matinée pour le bijou tant convoité de l'autre côté du bras de mer : Miyajima. L'île classée Trésor National et au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, un havre de paix aux dires de bien des gens. Je trépigne d'impatience d'y goûter moi-même. Cinq minutes nous suffisent pour nous présenter au terminal du ferry et acheter nos billets. Le ferry s'approche justement. Nous embarquons assez rapidement, et c'est parti pour une traversée de dix petites minutes. Le ciel est d'un bleu éclatant, pas un seul nuage en vue, et l'île pleine de verdure de Miyajima se rapproche doucement. Ca va être la journée idéale. Je tire soudain la manche de mon copain à la vue de ce que j'attendais : le sanctuaire Itsukushima, installé sur la rive, se dévoile enfin. Plus petit que je l'imaginais, le grand torii rouge au milieu de la petite baie a les pieds dans l'eau. Le sanctuaire également, pour quelques heures encore, et des touristes se pressent déjà dans son antre rouge et blanche.



Nous retrouvons la terre ferme et allons aussitôt nous munir d'un plan de l'île, et en profitons pour demander des informations sur la marée : il s'avère qu'à l'heure où nous arrivons, elle amorce déjà sa décrue et le sanctuaire laissera bientôt apparaître ses pilotis enfoncés dans le sable. Si je voulais tant savoir cela, c'était pour voir si nous avions une chance de voir la partie basse du sanctuaire complètement immergée ou non ; il s'avère donc qu'il est un peu tard, mais cela ne nous empêchera pas de profiter.
Alors que nous planifions notre excursion du jour sur un banc à l'ombre près du terminal du ferry, apparaît tout à coup à ma gauche un museau noir qui cherche à s'emparer de mon plan ! Je bondis hors d'atteinte et me retrouve face à un daim qui furète sur le banc à la recherche de nourriture. Puis j'en aperçois deux autres derrière lui, et en regardant autour de moi, ils sont tout à coup plusieurs à être sortis de nulle part ! La place était en effet vide à notre arrivée, et j'avais oublié leur existence alors que, tout comme à Nara, ils sont protégés et mènent une existence de pachas (un peu moins gâtés par les touristes cependant, car il est interdit de les nourrir). Une touriste chinoise se trouvera bien embêtée d'ailleurs en tentant de donner un biscuit à l'un d'eux, elle se retrouvera suivie avec insistance...





Nous échappons aux daims pour arpenter l'une des rues du faubourg de Miyajimachô, qui croule un peu sous les magasins de souvenirs et les restaurants, il faut bien l'avouer. Nous nous empressons d'arriver à l'entrée du sanctuaire Itsukushima. Grandiose. Cet endroit est juste grandiose. Une sorte d'euphorie me prend, qui n'arrive que lorsqu'un endroit me plaît particulièrement. Après avoir payé notre billet d'entrée, nous pénétrons dans ce haut lieu sacré du shintoïsme. Que tout est beau ! Il y a trop de touristes à mon goût, mais après tout on s'en fiche. Je promène mes yeux partout. Des hommes préparent dans un coin une barque ornée de multiples décorations (peut-être pour la célébration d'O-Bon, qui sait ?). La passerelle en bois aux piliers rouges nous mène au centre du temple, où quelques personnes jettent déjà des pièces pour prier. En face, une estrade de bois sur laquelle est déposé un omikoshi, le sanctuaire portatif que l'on sort pour les matsuri. Au delà de cette estrade, une terrasse en bois donne sur la baie, et un pont à son extrémité se lance dans la mer, dans l'axe exact du "otorii" si célèbre, dressé un peu plus loin. Et après, d'autres passerelles, d'autres piliers rouges, et des lanternes partout. La beauté du sobre sanctuaire Itsukushima se résume à cela, mais c'est réellement *beau*. Enfin moi je suis restée hébétée du début à la fin.
Pendant que nous flânons dans le sanctuaire, les flots se retirent lentement. A l''arrière de l'édifice, le sable de la cour est déjà sec et laisse voir les solides pilotis sur lesquels la structure entière est bâtie. Bientôt on pourra marcher à pied jusqu'au torii.















Après être sortis du temple, nous nous promenons de l'autre côté de la baie, à l'ombre d'immenses pins. La terre se transforme en sable. Je me demande si on n'a pas brusquement troqué le Japon contre un pays méditerranéen...
Même s'il fait moins humide qu'en plein centre de Hiroshima, la chaleur est harassante. Retourner, même à pas lents, jusqu'au village pour trouver un restaurant a été une épreuve. Nous nous décidons pour un restaurant d'okonomiyaki de Hiroshima, repéré un peu plus tôt. Cette spécialité consiste en une galette "classique" qui compose d'ordinaire un okonomiyaki, mais avec des nouilles sautées à l'intérieur. Même si l'aspect une fois coupé en part laisse un peu à désirer, j'ai bien aimé !






Une fois l'estomac bien rempli, nous continuons notre promenade. Nous dégustons des "momiji manju" divins fourrés à la pêche, au chocolat ou à la crème pâtissière. Nous jetons un oeil à la plus spatule en bois du monde (véridique, et d'ailleurs la spatule en bois est une spécialité de Miyajima). Nous parcourons les abords d'un vieux temple, le Senjokaku, et sa pagode voisine. Ce large temple est une immense salle recouverte de tatami (mais contrairement à ce que le nom du temple indique en japonais, il n'y en a pas mille mais...beaucoup !), resté inachevé après la mort de Toyotomi Hideyoshi qui est à l'origine de sa construction. Mon copain en ayant déjà assez de la chaleur me propose d'aller boire quelque chose. Nous trouvons par hasard une petite maison de thé, où il commandera un thé vert et moi....un chocolat froid (très bon !).







Cette pause nous fait du bien, et nous repartons en direction de la télécabine qui mène au sommet du Mt Misen, le plus haut sommet montagneux de l'île. Il culmine seulement à 530 mètres, et honnêtement, vu qu'il ne fallait qu'une heure de marche pour y accéder, on aurait pu y aller à pied. Mais voyant le chéri passablement fatigué et ennuyé à cause de la chaleur, je me suis dit que la marche en montagne ne lui ferait pas vraiment de bien, et ai opté pour la télécabine. Depuis ladite cabine, d'ailleurs, la vue est juste splendide.









Avec le temps magnifique auquel nous avons droit, je crois avoir devant moi le plus beau paysage japonais que j'ai vu jusqu'à présent. De nombreuses îles couvertes de forêt, la mer plus bleue que bleue, Hiroshima au loin. On voit jusqu'aux chaînes de montagne de l'île de Shikoku, au loin. Après avoir contemplé le paysage tout notre saoul, nous montons un peu plus haut dans la montagne, jusqu'à un temple bouddhiste niché presque au sommet.  De là, nous redescendons à pied à travers la forêt, traversant le Momijidani-kôen, la "vallée aux érables rouges" qui est en effet peuplée d'érables, mais vu la saison ils sont encore bien verts.








Nous retournons à la civilisation. Il est 18h30, les magasins ont fermé le temps de notre escapade. Nous flânons encore dans le village, croisons quelques daims, puis nous retournons au sanctuaire Itsukushima. Les visites sont finies, quelques personnes admirent le soleil qui décline déjà au loin. Je m'en vais marcher sur le sable de la baie ; le torii est déjà de nouveau immergé, et l'eau remonte rapidement, gagnant quelques centimètres à chaque vague. Bientôt, à mesure que la nuit tombe, la marée monte, et alors que le soleil disparaît derrière les montagnes, le sanctuaire semble flotter sur l'eau. Nous restons jusqu'au bout à contempler le spectacle, et attendons même l'illumination nocturne. Ca valait le coup.








Et après cette journée entière passée sur cette petite île qui regorge de merveilles, nous voilà embarqués dans le ferry en sens inverse, admirant une dernière fois le sanctuaire illuminé. Nous retournons à l'auberge de jeunesse sur l'autre rive pour récupérer nos sacs, nous saluons Shinji une dernière fois, et nous voilà repartis en train pour le centre de Hiroshima, où mon copain a réservé un business hotel pour la nuit. Nous devons en effet nous rendre à Okayama, dans la préfecture voisine, le lendemain matin, mais le trajet ne demande que trois heures et il n'existe donc pas de bus de nuit pour y aller. Autant passer la nuit ici ! Mon copain a donc trouvé l'un des hôtels "classiques" les moins chers de Hiroshima et a réservé les billets de bus pour le trajet du lendemain matin. Après un petit passage au conbini le plus proche et un repas frugal de nouilles instantanées, Morphée vient nous chercher un peu tard malgré la fatigue. Le lendemain sera le dernier jour de mon grand voyage.

Prochain épisode : Kurashiki et Okayama.