dimanche 19 juin 2011

Retour à l'école.

Depuis trois semaines, je retourne à l'école primaire où j'avais aidé de jeunes élèves à se préparer pour le DELF Prim' qu'elles devaient passer le 23 mars dernier.
Avec les événementsdu 11 mars, je suis partie précipitemment du Japon et l'examen a été annulé. Je pensais en finir sur cette triste note.

Pourtant il m'a été possible de revenir à l'école à la fin du mois de mai, mais cela m'a valu une découverte beaucoup moins glorieuse de ce que peut être la société japonaise.
C'est grâce à une amie que je suis allée à cette école pour la première fois. Elle y a fait toute sa scolarité et voulait me montrer des cours de français. C'était il y a trois ans et demi déjà.
Ensuite, c'est encore grâce à elle plus ou moins que j'ai pu faire les cours du DELF au début de l'année, car c'est elle qui a parlé de moi à la prof concernée bien avant, même si c'est la prof elle-même qui m'a dit avoir besoin de moi. Cette fois-ci, n'ayant que peu d'espoir de pouvoir retrouver une chance pareille, j'ai appelé la prof au début du mois de mai pendant que je cherchais désespérément un logement sur Tokyo, avec le maigre espoir qu'elle puisse m'aider. A aucun moment je n'imaginais qu'elle me proposerait d'emblée de revenir à l'école de telle date à telle date, ce qu'elle a pourtant fait. Il fallait cependant que j'envoie un e-mail poli en japonais pour la sous-directrice et le directeur de l'établissement, histoire de faire les choses dans les normes. Pour diverses raisons, j'ai mis du temps à envoyer ce mail. Mais j'ai reçu une "autorisation" de venir, donc le premier jour je m'apprêtais gentiment à partir pour l'école, quand j'ai reçu un mail de l'amie qui m'avait emmenée là-bas pour la première fois.
Et là, j'ai déchanté.
Elle me demandait entre autres pourquoi je ne lui avais pas dit que j'avais repris contact avec l'école dans le but d'y aller assister aux cours. La raison est simple : même si on avait déjà eu l'occasion de se voir auparavant, j'ai tout bonnement oublié de lui en parler car nous avions d'autres choses à nous dire...et puis j'avais de toute façon l'intention de lui dire quand tout serait officiel et que je serais déjà allée à l'école, etc.
Malheur m'en prit, apparemment. Elle m'a dit que ce n'était "pas que mon problème ça, hein" et que si j'entrais à l'école elle devait remercier ses profs, donc le directeur. Et que j'aurais dû envoyer le mail plus tôt que je ne l'avais fait. Que la prof, qu'elle avait rencontrée par hasard, avait dit qu'elle "abandonnait car j'étais née à la campagne à Angers". Et que parfois, il valait mieux pour moi réagir à la japonaise.
Wow. Comment perdre tout intérêt à aller à l'école et ruminer une frustration grandissante en soi toute la journée.
Second mail plus tard, disant que même si je pensais aider cette prof, mon amie était certaine qu'elle avait dû faire beaucoup d'efforts pour que je vienne. Et que même si je n'avais pas pensé qu'il fallait que cette amie remercie le directeur, j'aurais dû deviner qu'il fallait qu'elle remercie sa prof de m'accueillir. Et vu le nombre d'amis que j'ai au Japon, vu mon niveau de japonais, et vu ma compréhension du Japon dans sa globalité, je dois parfois réagir "à la japonaise". Sinon, je deviens une "gaijin malpolie".
Je suis soufflée, j'avoue. Ainsi donc, j'aurais dû déceler les ficelles de la société japonaise jusqu'à ce point-là, jusqu'à comprendre qu'elle avait encore des comptes à rendre à son école primaire à 24 ans. J'aurais dû comprendre que son rôle dans mes relations avec l'école ne s'arrêtait jamais. Il faut croire que si j'ai été acceptée, ce n'est pas parce que je suis "Emilie, étudiante en FLE qui désire de l'expérience" mais parce que je suis "Emilie, l'amie de cette fille qui a fait sa scolarité ici donc ça va". Je rentre donc complètement par piston et pas pour mes capacités alors ? Cool.
Je suis déçue qu'elle en attende autant de moi. Voilà le revers de la médaille quand on connaît "trop de choses" et qu'on est plus l'étranger de base qui ne maîtrise pas la langue ni la culture : là, je suis dans l'entre-deux, je ne suis pas complètement étrangère, mais je suis loin d'être japonaise dans l'âme. Mais à ce stade-là, déjà, on ne pardonne plus. L'étranger trop intégré n'est pas pardonné pour ses "erreurs" contrairement à celui qui ne l'est pas.
Je n'ai jamais su quoi répondre à cette amie par la suite, et nous ne nous contactons hélas plus maintenant. Je n'ai jamais vécu ce genre de froid avec quelqu'un de proche, je ne sais donc absolument pas comment faire pour que tout "fonctionne" à nouveau comme avant. On va laisser couler de l'eau sous les ponts et on verra bien...

J'ai décidé de passer outre ce petit "incident" et de profiter de cette expérience, bien qu'on peut dire que c'est relativement fatigant. Déjà, je suis "bénévole", donc je ne reçois aucune compensation, pas même pour le transport qui me coûte 800 yen aller-retour. La prof ayant décidé assez arbitrairement des moments où elle a besoin de moi, je suis à l'école le mardi et le mercredi de 9h30 à 17h30. J'assiste et participe à trois cours de 5ème année et trois cours de 6ème année de primaire, et en fin d'après-midi j'aide mes anciennes élèves de février/mars devenues collégiennes, qui se préparent de nouveau au DELF Prim qui a lieu samedi. Autant dire que ça demande beaucoup d'énergie, et que cela me prive de deux jours de congé dans la semaine, ce qui ne m'en laisse plus qu'un...
Mais les fillettes sont adorables. Je ne suis là que depuis trois semaines mais elles me connaissent bien maintenant, on discute ensemble et j'ai déjà reçu un petit dessin de moi et une petite boîte de thé en cadeau par deux élèves. Quelle heureuse surprise !
Elles ont une forte tendance à oublier le vocabulaire appris d'une semaine sur l'autre, mais certaines sont très étonnantes dans leur capacité à s'amuser tout en apprenant le français. L'apprentissage de cette langue est un jeu de manière générale, d'ailleurs, mais justement, le revers de la médaille semble être que les filles ne le prennent pas assez sérieusement. D'où leurs exclamations et gémissements si on leur demande de dire en tout et pour tout "Je m'appelle...." "J'habite à...." ! J'ai même eu droit à un "J'habite à Pokémon" une fois, quand l'élève voulait dire "J'aime les Pokémon"...
En 4ème année, elles font preuve d'une spontanéité incroyable et osent plus, même si elles se trompent, elles sont timides au tout début mais ensuite hop, c'est parti. Mais soudain en 5ème année, paf, l'intérêt redescend, elles n'osent plus, ont peur de dire des bêtises et hésitent des heures à prendre la parole. Quant aux 6ème année, même après 6 ans de radotage en français elles sont persuadées de ne rien savoir dire et passent leur temps à répondre "Eh, je sais pas..." en japonais à la moindre question. C'est un portrait grossi bien sûr, car il y a toujours des exceptions. Mais c'est quand même vrai que de la 4ème à la 5ème année, il se produit un phénomène étrange de repli sur soi...

Pour les cours, la prof utilise un Smartboard, un tableau numérique, et c'est fascinant pour moi de voir les possibilités que ça recèle, surtout avec les enfants, on peut créer plein d'activités ludiques et amusantes. J'aimerais pouvoir exploiter ça encore plus, mais le logiciel étant en japonais, je suis freinée et dois me contenter d'observer la prof manier l'engin.

Bon il faut bien le dire, malgré ses contraintes c'est une expérience très enrichissante, et y'a pas à dire, j'adore enseigner aux enfants *w*

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